Page:Gobineau Essai inegalite races 1884 Vol 1.djvu/469

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

présenter un sens plus clair et plus facile à saisir. Les dieux peu nombreux des âges primordiaux, Indra et ses compagnons, ne suffirent plus à rendre les séries d’idées qu’une civilisation de plus en plus vaste enfantait à profusion. Pour en citer un exemple, la notion de la richesse étant devenue plus familière à des masses qui avaient appris à en apprécier les causes et les effets, on mit ce puissant mobile social sous la garde d’un maître céleste, et on inventa Kouvéra, déesse faite de manière à satisfaire pleinement le goût des noirs (1)[1].

Dans cette multiplication des dieux il n’y avait cependant pas que de la grossièreté. À mesure que l’esprit brahmanique lui-même se raffinait, il faisait effort et cherchait à ressaisir l’antique vérité échappée jadis à la race ariane, et, en même temps qu’il créait des dieux inférieurs pour satisfaire les aborigènes ralliés, ou encore qu’il tolérait d’abord et acceptait ensuite des cultes autochtones, il montait de son côté. Il cherchait par en haut, et, imaginant des puissances, des entités célestes supérieures à Indra, à Agni, il découvrait Brahma, lui donnait le caractère le plus sublime que jamais philosophie humaine ait pu combiner, et, dans le monde de création sur-éthérée où son instinct des belles choses concevait un si grand être, il ne laissait pénétrer que peu d’idées qui en fussent indignes.

Brahma resta longtemps pour la foule un dieu inconnu. On ne le figura que très tard. Négligé des castes inférieures, qui ne le comprenaient ni ne s’en souciaient, il était par excellence le dieu particulier des ascètes, celui dont ils se réclamaient, qui faisait l’objet de leurs plus hautes études, et qu’ils n’avaient nulle pensée de détrôner jamais. Après avoir passé par toute



(1) Lassen, Indische Alterthumskunde, t. I, p. 771. — Du reste, l’esprit brahmanique lutta longtemps avant d’en venir à l’anthropomorphisme, et c’est ainsi que M. de Schlegel paraît avoir eu toute raison de dire que les monuments hindous ne peuvent rivaliser d’antiquité avec ceux de l’Égypte. Il n’est pas autant dans le vrai, quand il ajoute : « Et ceux de la Nubie. » (A. W. v. Schlegel, Vorrede zur Darstellung der ægyptischen Mythologie von Prichard, übersetzt von Haymann. Bonn, 1837), p. XIII.)

  1. (1) Lassen, Indische Alterthumskunde, t. I, p. 771. — Du reste, l’esprit brahmanique lutta longtemps avant d’en venir à l’anthropomorphisme, et c’est ainsi que M. de Schlegel paraît avoir eu toute raison de dire que les monuments hindous ne peuvent rivaliser d’antiquité avec ceux de l’Égypte. Il n’est pas autant dans le vrai, quand il ajoute : « Et ceux de la Nubie. » (A. W. v. Schlegel, Vorrede zur Darstellung der ægyptischen Mythologie von Prichard, übersetzt von Haymann. Bonn, 1837), p. XIII.)