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que, quel que fût le degré dans lequel la pureté du sang arian se compromit en tel ou tel lieu, cette pureté restait toujours plus grande dans les veines des brahmanes d’abord, des kschattryas ensuite, que dans celles des autres castes locales, et de là cette supériorité incontestable qui, même aujourd’hui, après tant de bouleversements, n’a pas encore fait défaut à la tête de la société brahmanique. Puis, si la valeur ethnique de l’ensemble perdait de son élévation, le désordre des éléments n’y était que passager. L’amalgame des races se faisait plus promptement au sein de chaque caste en se trouvant limité à un petit nombre de principes, et la civilisation haussait ou baissait, mais ne se transformait pas, car la confusion des instincts faisait assez promptement place dans chaque catégorie à une unité véritable, bien que de mérite souvent très pâle. En d’autres termes, autant de castes, autant de races métisses, mais closes et facilement équilibrées.

La catégorie des tchandalas répondait à une nécessité implacable de l’institution, qui devait surtout paraître odieuse aux familles militaires. Tant de lois, tant de restrictions arrêtaient les kschattryas dans l’exercice de leurs droits guerriers et royaux, les humiliaient dans leur indépendance personnelle, les gênaient dans l’effervescence de leurs passions, en leur défendant l’abord des filles et des femmes de leurs sujets. Après de longues hésitations, ils voulurent secouer le joug, et, portant la main à leurs armes, déclarèrent la guerre aux prêtres, aux ermites, aux ascètes, aux philosophes dont l’œuvre avait épuisé leur patience. C’est ainsi qu’après avoir triomphé des hérétiques zoroastriens et autres, après avoir vaincu la féroce inintelligence des indigènes, après avoir surmonté des difficultés de toute nature pour creuser au courant de chaque caste un lit contenu entre les digues de la loi et le contraindre à n’empiéter pas sur le lit des voisins, les brahmanes voyaient venir maintenant la guerre civile, et la guerre de l’espèce la plus dangereuse, puisqu’elle avait lieu entre l’homme armé et celui qui ne l’était pas (1)[1].

  1. (1) Lassen, ouvr. cité, t. I, p. 719-720.