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et, de même que personne ne doute de la condition universellement mortelle des hommes, parce que tous les hommes qui nous ont précédés sont morts, de même nous croyons fermement que les peuples ont des jours comptés, bien que plus nombreux ; car aucun de ceux qui régnèrent avant nous ne poursuit à nos côtés sa carrière. Il y a donc, pour l’éclaircissement de notre sujet, peu de choses à prendre dans la sagesse antique, hormis une seule remarque fondamentale, la reconnaissance du doigt divin dans la conduite de ce monde, base solide et première dont il ne faut pas se départir, l’acceptant avec toute l’étendue que lui assigne l’Église catholique. Il est incontestable que nulle civilisation ne s’éteint sans que Dieu le veuille, et appliquer à la condition mortelle de toutes les sociétés l’axiome sacré dont les anciens sanctuaires se servaient pour expliquer quelques destructions remarquables, considérées par eux, mais à tort, comme des faits isolés, c’est proclamer une vérité de premier ordre, qui doit dominer la recherche des vérités terrestres. Ajouter que toutes les sociétés périssent parce qu’elles sont coupables, j’y consens aisément ; ce n’est encore qu’établir un juste parallélisme avec la condition des individus, en trouvant dans le péché le germe de la destruction. Sous ce rapport, rien ne s’oppose, à raisonner même suivant les simples lumières de l’esprit, à ce que les sociétés suivent le sort des êtres qui les composent, et, coupables par eux, finissent comme eux ; mais, ces deux vérités admises et pesées, je le répète, la sagesse antique ne nous offre aucun secours.

Elle ne nous dit rien de précis sur les voies que suit la volonté divine pour amener la mort des peuples ; elle est, au contraire, portée à considérer ces voies comme essentiellement mystérieuses. Saisie d’une pieuse terreur à l’aspect des ruines, elle admet trop aisément que les États qui s’écroulent ne peuvent être ainsi frappés, ébranlés, engloutis, si ce n’est à l’aide de prodiges. Qu’un fait miraculeux se soit produit dans certaines occurrences, en tant que les livres saints l’affirment, je me soumets sans peine à le croire ; mais là où les témoignages sacrés ne se prononcent pas d’une manière formelle, et c’est