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brahmanes imaginèrent pourtant de les leur proposer, même les plus hauts, même ceux que les premiers Arians se faisaient fort de conquérir par la vigueur de leurs bras, j’entends le caractère divin, avec cette seule réserve, que tant de magnifiques perspectives ne devaient s’ouvrir qu’après la mort, que dis-je ? après une longue série d’existences. Le dogme de la métempsycose une fois admis, rien de plus plausible, et comme le Mlekkha voyait, sous ses yeux, toutes les classes de la société hindoue agir en vertu de cette croyance, il avait déjà, dans la bonne foi de ses convertisseurs, une forte raison de se laisser convaincre.

Le brahmane véritablement pénitent, mortifié, vertueux, se flattait hautement de prendre place, après sa mort, dans une catégorie d’êtres supérieurs à l’humanité. Le kschattrya renaissait brahmane avec la même espérance au deuxième degré, le vayçia reparaissait kschattrya, le çoudra, vayçia (1)[1]. Pourquoi l’indigène ne serait-il pas devenu çoudra, et ainsi de suite ? D’ailleurs, il arriva que ce dernier rang lui fut conféré même de son vivant. Quand une nation se soumettait en masse, et qu’il fallait l’incorporer à un État hindou, on était contraint, malgré le dogme, de l’organiser, et le moins qu’on pût faire pour elle, c’était encore de l’admettre immédiatement dans la dernière des castes régulières (2)[2].

Des ressources politiques comme ce système de promesses réalisables moyennant résurrection ne peuvent s’improviser.



(1) Les fautes, les crimes produisaient le même effet en sens contraire : « As the son of a Sudra may thus attain the rank of a Brahman, and as the son of a Brahman may sink to a level with Sudras, even so must it be with him who springs from a Chsatriya ; even so with him, who was born of a Vaisya. » (Manava-Dharma-Sastra, chap. X, § 65.)

(2) Les temps les plus anciens offrent des exemples de cette politique tolérante. Ainsi les Angas, les Poundras, les Bangas, les Souhmas et les Kalingas, populations aborigènes du sud-est, s’étant converties, furent d’abord déclarées çoudras en masse. Puis le roi des Angas, Lomâpâda, ayant obtenu la main de la fille du souverain arian d’Ayodhya, ses descendants furent considérés comme fils de brahmanis et de kschattryas. (Lassen, Indische Alterthumskunde, t. I, p. 559.)


  1. (1) Les fautes, les crimes produisaient le même effet en sens contraire : « As the son of a Sudra may thus attain the rank of a Brahman, and as the son of a Brahman may sink to a level with Sudras, even so must it be with him who springs from a Chsatriya ; even so with him, who was born of a Vaisya. » (Manava-Dharma-Sastra, chap. X, § 65.)
  2. (2) Les temps les plus anciens offrent des exemples de cette politique tolérante. Ainsi les Angas, les Poundras, les Bangas, les Souhmas et les Kalingas, populations aborigènes du sud-est, s’étant converties, furent d’abord déclarées çoudras en masse. Puis le roi des Angas, Lomâpâda, ayant obtenu la main de la fille du souverain arian d’Ayodhya, ses descendants furent considérés comme fils de brahmanis et de kschattryas. (Lassen, Indische Alterthumskunde, t. I, p. 559.)