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politique se divisait en trois grandes fractions : la nation hindoue proprement dite, avec ses trois castes sacrées et sa caste supplémentaire, que l’on pourrait appeler de tolérance, sacrifice que la conviction faisait à la nécessité; puis les nations arianes, nommées vratyas, trop ouvertement mêlées au sang indigène, qui avaient adopté tard la règle sacrée, et ne la suivaient pas rigoureusement, ou bien, qui, pires encore, s’étaient obstinées à la repousser. Dans ce cas, l’appellation de vratya, voleur, pillard, ne suffisait pas à l’aversion indignée du véritable Hindou, et de pareilles gens étaient qualifiés de dasyou, terme qui emporte un sens à peu près semblable avec le superlatif. Cette injure agréait d’autant mieux à la rancune acrimonieuse de ceux qui l’employaient, qu’elle se rapproche étymologiquement du zend dandyou, dakyou, dakhou (1)[1], dont usaient les Zoroastriens du sud pour désigner les provinces de leurs États. Rien de plus semblable (charité à part) au rebut du genre humain qu’un hérétique, et réciproquement.

Enfin, en troisième lieu et même au-dessous de ces dasyous si détestés, venaient les nations aborigènes. Nulle part on n’imaginera de plus complets sauvages, et, par malheur, c’est que leur nombre était exorbitant. Pour juger de leur valeur morale, il faut voir aujourd’hui ce que sont leurs descendants les plus purs, soit dans le Dekkhan, soit dans les monts Vyndhias et dans les forêts centrales de la péninsule, où ils vont errant par bandes. Regardons-les vivant, après tant de siècles, comme faisaient leurs aïeux au temps où Rama vint combattre les insulaires de Ceylan, alors leurs congénères. Je ne prétends pas les énumérer tous, ce n’est pas mon affaire ; j’indiquerai seulement quelques noms.

Les Kad-Erili-Garou, parlent le tamoul. Ils vont entièrement nus, dorment sous des grottes et des buissons, vivent de racines, de fruits et d’animaux qu’ils attrapent.

Ne sont-ce pas là les fils d’Anak, les Chorréens de l’Écriture (2)[2] ?



(1) Lassen, Zeitschrift für K. d. Morgenl., t. II, p. 49.

(2) Lassen, Indisch. Alterth., t. I, 364. – Une tribu qui rappelle

  1. (1) Lassen, Zeitschrift für K. d. Morgenl., t. II, p. 49.
  2. (2) Lassen, Indisch. Alterth., t. I, 364. – Une tribu qui rappelle encore mieux les fils d’Anak est celle qui habitait jadis au delà de la rive sud de la Yamouna, dans le désert de Dandaka, jusqu’à la Gadaouri. C’étaient des géants féroces, toujours enclins à attaquer les ermitages des ascètes brahmaniques. (Ouvr. cité, p. 524 et passim.)