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Voici maintenant le troisième terme de l’observation : c’est l’Inde. Point de compromis avoué avec la race étrangère, une pureté supérieure ; les brahmanes en jouissent d’abord, les kschattryas ensuite. Les vayçias et même les çoudras conservent la nationalité première d’une manière relative. Chaque caste équilibre, vis-à-vis de l’autre, sa valeur ethnique particulière. Les degrés se consolident et se maintiennent. La société élargit ses bases, et, pareille aux végétaux de ce climat torride, pousse, de toutes parts, la plus luxuriante végétation. Quand la science européenne ne connaissait que la lisière du monde oriental, son admiration pour la civilisation antique faisait des Phéniciens et des hommes de l’Égypte et de l’Assyrie autant de personnages d’une nature titanique. Elle leur attribuait la possession de toutes les gloires du passé. En considérant les pyramides, on s’étonnait qu’il eût pu exister des créatures capables de si vastes travaux. Mais depuis que nos pas se sont risqués plus loin et que, sur les rives du Gange, nous voyons ce que l’Inde a été dans les temps antiques, pendant des séries infinies de siècles, notre enthousiasme se déplace, passe le Nil, passe l’Euphrate, et va se prendre aux merveilles accomplies entre l’Indus et le cours inférieur du Brahmapoutra. C’est là que le génie humain a vraiment créé, dans tous les genres, des prodiges qui étonnent l’esprit. C’est là que la philosophie et la poésie ont leur apogée, et que la vigoureuse et intelligente bourgeoisie des vayçias a longtemps attiré et absorbé tout ce que le monde ancien possédait de richesses en or, en argent, en matières précieuses. Le résultat général de l’organisation brahmanique fut supérieur encore aux détails de l’œuvre. Il en sortit une société presque immortelle par rapport à la durée de toutes les autres. Elle avait deux périls à redouter, et seulement deux : l’attaque d’une nation plus purement blanche qu’elle-même, la difficulté de maintenir ses lois contre les mélanges ethniques.

Le premier péril a éclaté plusieurs fois, et jusqu’à présent, si l’étranger s’est trouvé constamment assez fort pour subjuguer la société hindoue, il s’est, non moins constamment, reconnu impuissant à la dissoudre. Aussitôt que la cause de sa