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leur titre de forts, les autres de la qualification nouvellement prise de brahmanes, resta le partage de la troisième caste.

La loi de Manou, postérieure, du reste, dans sa forme actuelle, à l’époque en question, établit, d’après des autorités plus anciennes qu’elle-même, le cercle d’action où devait s’écouler l’existence des vayçias. On leur confia le soin du bétail. Le raffinement déjà considérable des mœurs ne permettait plus aux hautes classes de s’en occuper, comme avaient fait les ancêtres. Les vayçias firent le négoce, prêtèrent de l’argent à intérêt et cultivèrent la terre (1)[1]. Appelés à concentrer ainsi dans leurs mains les plus grandes richesses, on leur commanda l’aumône et les sacrifices aux dieux. À eux aussi on permit de lire ou de se faire lire les Védas (2)[2], et, afin d’assurer à leur caractère pacifique la tranquille jouissance des humbles, prosaïques mais fructueux avantages qui leur étaient concédés, il fut sévèrement interdit aux brahmanes, comme aux kschattryas d’empiéter sur leurs attributions, de se mêler à leurs travaux et d’obtenir soit un épi de blé, soit un objet fabriqué, autrement que par leur intermédiaire. Ainsi, dès l’antiquité la plus haute, la civilisation ariane de l’Inde asseyait ses travaux sur l’existence d’une nombreuse bourgeoisie, fortement organisée et défendue, dans l’exercice de droits considérables, par toute la puissance des prescriptions religieuses (3)[3]. On remarquera encore que, non moins que les kschattryas, cette classe était admise aux études intellectuelles, et que ses



(1) Lassen, ouvr. cité, t. I, p. 817.

(2) Manava-Dharma-Sastra, chap. X, § 1 : « Let the three twiceborn classes, remaining firm in their several duties, carefully read the Veda; but a brahman must explain it to them, not a man of the other two classes : this is an established rule. » – Chap. X, § 79 : « The means of subsistence peculiar to... the vaisya (are), merchandize, attending on cattle and agriculture ; but, with a view to the next life ; the duties... are almsgiving, reading, sacrificing. »

(3) L’importance de cette caste et l’influence extralégale qu’elle était capable d’exercer n’échappèrent pas du tout aux législateurs de l’Inde. Je lis dans le Manava-Dharma-Sastra, ch. VIII, § 418 : « With vigilant care should the king exert himself in compelling merchant and mechanicks to perform their respective duties ; for, when such men swerve from their duty, they throw this world in confusion. »


  1. (1) Lassen, ouvr. cité, t. I, p. 817.
  2. (2) Manava-Dharma-Sastra, chap. X, § 1 : « Let the three twiceborn classes, remaining firm in their several duties, carefully read the Veda; but a brahman must explain it to them, not a man of the other two classes : this is an established rule. » – Chap. X, § 79 : « The means of subsistence peculiar to... the vaisya (are), merchandize, attending on cattle and agriculture ; but, with a view to the next life ; the duties... are almsgiving, reading, sacrificing. »
  3. (3) L’importance de cette caste et l’influence extralégale qu’elle était capable d’exercer n’échappèrent pas du tout aux législateurs de l’Inde. Je lis dans le Manava-Dharma-Sastra, ch. VIII, § 418 : « With vigilant care should the king exert himself in compelling merchant and mechanicks to perform their respective duties ; for, when such men swerve from their duty, they throw this world in confusion. »