Page:Gobineau Essai inegalite races 1884 Vol 1.djvu/430

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

aborigènes qui ne laissaient pas que de former encore une masse considérable, et qui avaient déjà commencé à se mêler à certaines familles, probablement les plus pauvres, les moins illustres, les moins fières de la nation conquérante. Ils remarquèrent sans peine combien les mulâtres étaient inférieurs en beauté, en intelligence, en courage à leurs parents blancs ; et surtout ils eurent à réfléchir aux conséquences que pouvait amener, pour la domination des Arians, une influence exercée par les individualités métisses sur les populations noires soumises ou indépendantes. Peut-être avaient-ils sous les yeux l’expérience de quelques accessions fortuites de sang mêlé à la dignité royale.

Guidés par le désir de conserver le souverain pouvoir à la race blanche, ils imaginèrent un état social hiérarchisé suivant le degré d’élévation d’intelligence. Ils prétendirent confier aux plus sages et aux plus habiles la conduite suprême du gouvernement. À ceux dont l’esprit était moins élevé, mais le bras vigoureux, le cœur avide d’émotions guerrières, l’imagination sensible aux excitations de l’honneur, ils remirent le soin de défendre la chose publique. Aux hommes d’humeur douce, curieux de travaux paisibles, peu disposés aux fatigues de la guerre, ils se piquèrent de trouver un emploi convenable en les conviant à nourrir l’État par l’agriculture, à l’enrichir par le commerce et l’industrie. Puis, du grand nombre de ceux dont le cerveau n’était éclairé que de lueurs incomplètes, de tous ceux qui n’avaient pas l’âme prête à subir, sans faiblesse, le choc du danger, des gens trop pauvres pour vivre libres, ils composèrent un amalgame sur lequel ils jetèrent le niveau d’une égale infériorité, et décidèrent que cette classe humble gagnerait sa subsistance en remplissant ces fonctions pénibles ou même humiliantes qui sont cependant nécessaires dans les sociétés établies.

Le problème avait trouvé sa solution idéale, et personne ne peut refuser son approbation à un corps social ainsi organisé qu’il est gouverné par la raison et servi par l’inintelligence. La grande difficulté, c’est de faire passer un projet abstrait de cette espèce dans le moule d’une réalisation pratique. Tous les