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leurs mains ; elle se compliqua, et l’art des sacrifices devint une science pleine d’obscurités dangereuses pour les profanes. On redouta dès lors de commettre, dans l’acte de l’adoration, des erreurs de forme qui pouvaient offenser les dieux, et, afin d’éviter ce danger, on ne se risqua plus à agir soi-même : on eut recours au seul purohita. Il est probable qu’à la pratique de la théologie et des fonctions liturgiques cet homme spécial joignit, de bonne heure, des connaissances en médecine et en chirurgie ; qu’il se livra à la composition des hymnes sacrés, et qu’il se rendit triplement vénérable aux yeux des rois, des guerriers, des populations tout entières par les mérites qui éclataient en sa personne au point de vue de la religion, de la morale et de la science (1)[1].

Tandis que le pontife se créait ainsi des fonctions sublimes et bien propres à lui concilier l’admiration et les sympathies, les hommes libres n’étaient pas sans gagner quelque chose à la perte de plusieurs de leurs anciens droits, et, tout ainsi que le purohita, en s’emparant exclusivement d’une partie de l’activité sociale, en savait extraire des merveilles que les générations antérieures n’avaient pas soupçonnées, de même le chef de famille, vacant tout entier aux soins terrestres, se perfectionnait dans les arts matériels de la vie, dans la science du gouvernement, dans celle de la guerre et dans l’aptitude aux conquêtes.

L’ambition la plus inquiète n’avait pas le temps de réfléchir à la valeur de ce qu’elle avait cédé, et d’ailleurs les conseils du purohita, non moins que ses secours, lorsque le guerrier était vaincu, ou blessé, ou malade, non moins que ses chants et ses récits, quand il était de loisir, contribuaient à l’impressionner en faveur de l’influence qu’il avait laissé naître, qu’il laissait croître à ses côtés, et à l’étourdir sur les dangers dont, pour l’avenir, elle pouvait menacer sa puissance et sa liberté.

D’ailleurs, le purohita n’était pas un être qui pût sembler redoutable. Il vivait isolé auprès des chefs assez riches ou



(1) Lassen, loc. cit. Il est ici question de l’époque où furent composés les hymnes les plus anciens des Védas.

  1. (1) Lassen, loc. cit. Il est ici question de l’époque où furent composés les hymnes les plus anciens des Védas.