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de peindre le mouvement et la vie, est poussé au delà de toutes mesures. Mais la tête ? la tête, que dit-elle ? que dit le visage, ce champ de la beauté, de la conception idéale, de l’élévation de la pensée, de la divinisation de l’esprit ? La tête, le visage, sont nuls, sont glacés. Aucune expression ne se peint sur ces traits impassibles. Comme les combattants du temple de Minerve, ils ne disent rien ; les corps luttent, mais les visages ne souffrent ni ne triomphent. C’est que là il n’était pas question de l’âme, il ne s’agissait que du corps. C’était le fait et non la pensée qu’on recherchait ; et la preuve que ce fut bien l’unique cause de l’éternel temps d’arrêt où mourut l’art assyrien, c’est que, pour tout ce qui n’est pas intellectuel, pour tout ce qui s’adresse uniquement à la sensation, la perfection a été atteinte. Lorsque l’on examine les détails d’ornementation de Khorsabad, ces grecques élégantes, ces briques émaillées de fleurs et d’arabesques délicieuses, on convient bien vite avec soi-même que le génie hellénique n’a eu là qu’à copier, et n’a rien trouvé à ajouter à la perfection de ce goût, non plus qu’à la fraîcheur gracieuse et correcte de ces inventions.

Comme l’idéalisation morale est nulle dans l’art assyrien, celui-ci ne pouvait, malgré ses grandes qualités, éviter mille énormités monstrueuses qui l’accompagnèrent sans cesse et qui furent son tombeau. C’est ainsi que les Kabires et les Telchines sémites fabriquèrent, pour l’édification de la Grèce, leur demi-compatriote, ces idoles mécaniques, remuant les bras et les jambes, imitées depuis par Dédale, et bientôt méprisées par le sens droit d’une nation trop mâle pour se plaire à de telles futilités. Quant aux populations féminines de Cham et de Sem, je suis bien persuadé qu’elles ne s’en lassèrent jamais ; l’absurde ne pouvait exister pour elles dans des tendances à imiter, d’aussi près que possible, ce que la nature présente de matériellement vrai.

Qu’on pense au Baal de Malte avec sa perruque et sa barbe blondes, rougeâtres ou dorées ; que l’on se rappelle ces pierres informes, habillées de vêtements splendides et saluées du nom de divinités dans les temples de Syrie, et que de là on passe à la laideur systématique et repoussante des poupées hiératiques