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se produire de facultés bien supérieures à celles d’où peut jaillir l’effusion lyrique. Nous verrons que la poésie épique est le privilège de la famille ariane ; encore n’a-t elle tout son feu, tout son éclat, que chez les nations de cette branche qui ont été atteintes par le mélange mélanien.

À côté de cette littérature si libérale pour la sensation, et si stérile pour la réflexion, se placent la peinture et la sculpture. Ce serait une faute que d’en parler en les séparant ; car si la sculpture était assez perfectionnée pour qu’on pût l’étudier et l’admirer à part, il n’en était pas de même de sa sœur, simple annexe de la figuration en relief, et qui, dénuée du clair-obscur comme de la perspective, et ne procédant que par teintes plates, se rencontre quelquefois isolée dans les hypogées, mais ne sert alors qu’à l’ornementation, ou bien laisse regretter l’absence de la sculpture qu’elle devrait recouvrir. Une peinture plate ne peut valoir que pour une abréviation.

D’ailleurs, comme il est fort douteux que la sculpture se soit jamais passée du complément des couleurs, et que les artistes assyriens ou égyptiens aient consenti à présenter aux regards exigeants de leurs spectateurs matérialistes des œuvres habillées uniquement des teintes de la pierre, du marbre, du porphyre ou du basalte ; séparer les deux arts ou élever la peinture à un rang d’égalité avec la sculpture, c’est se méprendre sur l’esprit de ces antiquités. Il faut, à Ninive et à Thèbes, ne se figurer les statues, les hauts, les bas et les demi-reliefs, que dorés et peints des plus riches couleurs.

Avec quelle exubérance la sensualité assyrienne et égyptienne s’empressait de se ruer vers toutes les manifestations séduisantes de la matière ! À ces imaginations surexcitées et voulant toujours l’être davantage, l’art devait arriver non par la réflexion, mais par les yeux, et lorsqu’il avait touché juste, il en était récompensé par de prodigieux enthousiasmes et une domination presque incroyable. Les voyageurs qui parcourent aujourd’hui l’Orient remarquent, avec surprise, l’impression profonde, et quelque peu folle, produite sur les populations par les représentations figurées, et il n’est pas un penseur qui