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« Plus que la neige brillait l’éclat de son regard… Ta poitrine voilée était comme le cœur de la neige.

« Telle qu’une fleur fanée, notre âme est flétrie par ta perte ; elle est brisée par le gémissement des chants funéraires.

« Sur notre poitrine coulent nos larmes[1]. »

Voilà le style lapidaire des Sémites.

Tout dans cette poésie est brûlant, tout vise à emporter les sens, tout est extérieur. De telles strophes n’ont pas pour but d’éveiller l’esprit et de le transporter dans un monde idéal. Si, en les écoutant, on ne pleure, si l’on ne crie, si l’on ne déchire ses habits, si l’on ne couvre son visage de cendres, elles ont manqué leur but. C’est là le souffle qui a passé depuis dans la poésie arabe, lyrisme sans bornes, espèce d’intoxication qui touche à la folie et nage quelquefois dans le sublime.

Lorsqu’il s’agit de peindre dans un style de feu, avec des expressions d’une énergie furieuse et vagabonde, des sensations effrénées, les fils de Cham et ceux de Sem ont su trouver des rapprochements d’images, des violences d’expression qui, dans leurs incohérences, en quelque sorte volcaniques, laissent de bien loin derrière elles tout ce qu’a pu suggérer aux chanteurs des autres nations l’enthousiasme ou le désespoir.

La poésie des Pharaons a laissé moins de traces que celle des Assyriens, dont tous les éléments nécessaires se retrouvent soit dans la Bible, soit dans les compilations arabes du Kitab-Alaghani, du Hamasa et des Moallakats. Mais Plutarque nous parle des chansons des Égyptiens, et il semblerait que le naturel assez régulier de la nation ait inspiré à ses poètes des accents sinon plus raisonnables, du moins un peu plus tièdes. Au reste, pour l’Égypte comme pour l’Assyrie, la poésie n’avait que deux formes, ou lyrique, ou didactique, froidement et faiblement historique, et, dans ce dernier cas, ne poursuivant d’autre but que d’enfermer des faits dans une forme cadencée et commode pour la mémoire. Ni en Égypte, ni en Assyrie, on ne trouve ces beaux et grands poèmes qui ont besoin pour

  1. Blau, Zeitschrift der deutsch. morgenl. Gesellsch, t. III, p. 448.