Page:Gobineau Essai inegalite races 1884 Vol 1.djvu/390

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les rois avaient fait construire sur les frontières orientales pour fermer le passage aux sables et surtout aux étrangers[1], sont toujours l’œuvre d’un peuple qui, en se garantissant des invasions, limite lui-même son terrain. Les Égyptiens étaient donc volontairement séparés des nations orientales. Sans que tous rapports guerriers ou pacifiques fussent détruits, il n’en résultait pas un échange durable des idées, et par conséquent la civilisation resta confinée au sol qui l’avait vue naître, et ne porta point ses merveilles à l’est ni au nord, ni même dans l’ouest africain[2].

Quelle différence avec la culture assyrienne ! Celle-ci embrassa dans son vol immense un si vaste tour de pays, qu’il dépasse l’essor où purent s’emporter, dans des temps postérieurs, la Grèce d’abord, Rome ensuite. Elle domina l’Asie moyenne, découvrit l’Afrique, découvrit l’Europe, sema profondément dans tous ces lieux ses mérites et ses vices, s’implanta partout, de la manière la plus durable, et, vis-à-vis d’elle, le perfectionnement égyptien, demeuré à peu près local, se trouva dans une situation semblable à ce que la Chine a été depuis pour le reste du monde.

Bien simple est la raison de ce phénomène, si on veut la chercher dans les causes ethniques. De la civilisation assyrienne, produit des Chamites blancs mêlés aux peuples noirs,

    gines. La forme des chars est identique à Memphis et à Khorsabad (Wilkinson, t. I, p. 346 ; Botta, Monuments de Ninive) ; la construction des places de guerre se ressemblait extrêmement (loc. cit.), etc., etc.

  1. Bunsen, t. II, p. 320.
  2. Au VIIIe siècle avant J.-C., les Égyptiens n’avaient pas même de marine, bien qu’à cette époque ils eussent englobé le Delta dans leur empire. Les peuples chananéens, sémites ou grecs étaient les seuls navigateurs qui auraient pu animer le commerce de leur pays ; ils attachaient une importance si secondaire à cet avantage, que, pour se défendre des insultes des pirates, ils n’avaient pas hésité à fermer l’entrée du Nil par des barrages qui la rendaient impraticable à tous les navires. (Movers, das Phœnizich Alterth., t. II, 1re partie, p. 370.) — En somme, les guerres des Égyptiens du côté de l’Asie ont toujours eu un caractère plutôt défensif qu’agressif, et l’influence même que les Pharaons s’efforçaient de gagner dans les cités phéniciennes avait plutôt pour but de neutraliser l’action des gouvernements assyriens que de poursuivre des résultats positifs. (Movers, ibid., p. 298,299,415 et passim.)