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détroit de Bab-el-Mandeb à la mer Caspienne, et à les faire rentrer à Memphis, entourés encore des Thraces et de ces fabuleux Pélasges dont le héros égyptien est censé avoir dompté les patries. C’est un spectacle grandiose, mais la réalité en soulève des objections.

Pour commencer, la personnalité du conquérant n’est pas elle-même bien claire. On ne s’est jamais accordé ni sur l’âge qui l’a vu fleurir, ni même sur son nom véritable. Il a vécu longtemps avant Minos, dit un auteur grec ; tandis qu’un autre le repousse impitoyablement jusque dans les nuages des époques mythologiques. Celui-ci l’appelle Sésostris ; celui-là Sesoosis ; un dernier veut le reconnaître dans un Rhamsès, mais dans lequel ? Les chronologistes modernes, héritiers embarrassés de toutes ces contradictions, se divisent, à leur tour, pour faire de ce personnage mystérieux un Osirtasen ou un Sésortesen, ou encore un Rhamsès II ou un Rhamsès III. Un des arguments les plus solides au moyen desquels on pensait pouvoir appuyer l’opinion favorite touchant l’étendue des conquêtes de ce mystérieux personnage, c’était l’existence de stèles victorieuses dressées par lui sur plusieurs points de ses marches. On en a, en effet, trouvé, qui doivent être attribuées à des souverains du Nil, et dans la Nubie près de Wadi Halfah, et dans la presqu’île du Sinaï[1]. Mais un autre monument, d’autant plus célèbre qu’Hérodote le mentionne, monument existant encore près de Beyrouth, a été positivement reconnu, de nos jours, pour le gage de victoire d’un triomphateur assyrien[2]. D’ailleurs, rien d’égyptien ne s’est jamais rencontré au-dessus de la Palestine.

Avec toute la réserve que je dois apporter à me présenter dans ce débat, j’avoue que des différentes façons dont on a voulu prouver les conquêtes des Pharaons en Asie, aucune ne m’a jamais semblé satisfaisante[3]. Elles reposent sur des

  1. Bunsen, t. II p. 307 ; Lepsius, p. 336 et passim ; Movers, das Phœniz. Alterth., t. II, 1re partie, p. 301.
  2. Movers, t. II, 1re partie, p. 281. Cet historien attribue la stèle en question à Memnon, et la fait contemporaine de la guerre de Troie.
  3. M. de Bunsen porte un jugement bien vrai et bien concluant sur