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cette phrase plus pleine de sens qu’il ne lui en attribue[1]. Jules Africain ne dit pas, ainsi qu’on pourrait l’induire des expressions dont se sert le savant diplomate prussien, que le culte des animaux sacrés fut, pour la première fois, introduit, mais bien qu’il fût officiellement reconnu, étant déjà ancien. Quant à ce dernier point, je m’en rapporte aux nègres pour n’avoir pas manqué, dès l’origine de leur espèce, de calculer la religion sur le pied de l’animalité. Si donc cette adoration de tous les temps avait besoin d’être consacrée par un décret pour devenir légale, c’est que, jusque-là, elle n’avait pu rallier les sympathies de la partie dominante de la société, et comme cette partie dominante était d’origine blanche, il fallut, pour que se fît une révolution aussi grave contre toutes les notions arianes du vrai, du sage et du beau, que le sens moral et intellectuel de la nation eût déjà subi une dégradation fâcheuse. C’était la conséquence des innovations survenues dans la nature du sang. De blanche, la société active était devenue métisse et, s’abaissant de plus en plus dans le noir, s’était, chemin faisant, associée à l’idée qu’un bœuf et un bouc méritaient des autels.

On peut être tenté de reprocher à ceci une sorte de contradiction. Je semble donner toutes les raisons et rassembler toutes les causes d’une décadence sans miséricorde dans les mains même du premier roi Ménès et, pourtant, l’Égypte n’a fait que commencer sous lui de longs siècles d’illustration[2]. En y regardant de près, la difficulté apparente

  1. Voici le texte et la traduction de M. de Bunsen : (Ἐφ' οὖ οἱ βόες Ἄπις ἐν Μέμφει ϰαὶ Μνευῖς ἐν Ἡλιουπόλει ϰαὶ ὁ Μενδήσιος τράγος ἐνομίσθησαν εἶναι θεοί.)

    Kaiechos… Unter ihm wurde die gœttliche Verehrung der Stiere, des Apis in Memphis und des Mnævis in Heliopolis, so wie des mendesischen Bockes eingeführt. (Bunsen, II, p. 103.)

  2. Il ne saurait être inutile de rappeler ici quelle fut la prospérité à laquelle parvinrent les États de la vallée du Nil. On sait que, dans sa plus grande étendue, cette contrée n’a pas 50 milles allemands de largeur, et qu’en longueur, depuis la mer Méditerranée jusqu’à Syène, elle en comporte environ 120. Dans cet espace étroit, Hérodote place 20,000 villes et villages, à l’époque d’Amasis. Diodore en compte 18,000. La France actuelle, douze fois plus grande, n’en a que 39,000. La popu-