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encore que les Himyarites, puisque ceux-ci avaient laissé altérer la pureté de l’idiome noir par les souvenirs arians restés avec la partie blanche de leur origine ; et pour jeter dans la langue de l’Éthiopie civilisée ces traces de l’action étrangère, il n’était même pas rigoureusement nécessaire que l’intervention des Sémites fût mise en jeu. On se souvient que ces mêmes éléments sémitiques se trouvent aussi dans l’ancien égyptien (1)[1]. Ainsi, sans nier que les Himyarites aient apporté à la langue de l’Éthiopie des marques de leur origine blanche, on doit pourtant remarquer que de tels restes ont pu également provenir de l’importation égyptienne et, en tout cas, en ont profité pour augmenter de force. De plus, certains éléments, non seulement arians, mais plus particulièrement sanscrits, déposés dans l’ancien égyptien, ayant passé de là dans le gheez, donnent à cette langue cette triplicité de source existant dans l’idiome des civilisateurs. Ainsi, la langue nationale représente très bien les origines ethniques : beaucoup plus chargée d’éléments sémitiques, c’est-à-dire noirs, que l’arabe et l’égyptien surtout, elle eut aussi moins de traces sanscrites que ce dernier.

Sous les 18e et 19e dynasties (de 1575 à 1180 avant J.-C.), les Abyssins étaient soumis aux Pharaons et payaient tribut (2)[2]. Les monuments nous les montrent apportant aux intendants royaux les richesses et les curiosités de leur pays. Ces hommes fortement marqués de l’empreinte nègre sont couverts de tuniques de mousseline transparente fournies par les manufactures de l’Inde ou des villes d’Arabie et d’Égypte. Ce vêtement court et n’allant qu’aux genoux est retenu par une ceinture de cuir ouvré, richement dorée et peinte (3)[3]. Une peau de léopard attachée aux épaules fait manteau ; des colliers tombent sur la poitrine, des bracelets serrent les poignets, de grandes



(1) M. T. Benfey a réuni un grand nombre d’arguments et de faits tant lexicologiques que grammaticaux, pour mettre cette dernière vérité en lumière. Voir son livre intitulé : Ueber das Verhæltniss der ægyptischen Sprache zum semitischen Sprachstamme, in-8o; Leipzig, 1844.

(2) Wilkinson, t. I, p. 387 et passim.

(3) Id., ibid.


  1. (1) M. T. Benfey a réuni un grand nombre d’arguments et de faits tant lexicologiques que grammaticaux, pour mettre cette dernière vérité en lumière. Voir son livre intitulé : Ueber das Verhæltniss der ægyptischen Sprache zum semitischen Sprachstamme, in-8o; Leipzig, 1844.
  2. (2) Wilkinson, t. I, p. 387 et passim.
  3. (3) Id., ibid.