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mais de la part de leurs prêtres ; et chez une nation qui avait sur l’existence d’au delà du tombeau des idées si particulières, on peut aisément s’imaginer quelle terreur entretenait dans l’esprit du despote le plus audacieux l’idée d’un procès qui, suscité à son cadavre impuissant, pouvait le priver du bonheur le plus désirable au gré des idées nationales, une sépulture magnifique et les derniers honneurs. Ces juges futurs étaient donc constamment redoutables, et ce n’était pas trop de prudence que de les ménager pendant toute la vie (1)[1].

L’existence d’un roi d’Égypte ainsi enchaînée, surveillée, contrariée sur les points les plus importants comme dans les détails les plus futiles, aurait été intolérable, si quelque dédommagement ne lui avait été offert. Les droits religieux mis à part, le monarque était tout-puissant, et ce que le respect a de plus raffiné lui était constamment offert par les peuples à genoux. Il n’était pas Dieu, sans doute, et on ne l’adorait pas de son vivant ; mais on le vénérait en tant qu’arbitre absolu de la vie et de la mort, et aussi comme personnage sacré, car il était pontife lui-même. À peine les plus grands de l’État étaient-ils assez nobles pour le servir dans les plus humbles emplois. C’était à ses fils que revenait l’honneur de courir derrière son char, dans la poussière, en portant ses parasols.

Ces mœurs n’étaient pas sans rapport avec ce qui se passa en Assyrie. Le caractère absolu du pouvoir, et l’abjection qu’il imposait aux sujets, se rencontraient aussi très complètement à Ninive. Pourtant l’esclavage des rois vis-à-vis des prêtres ne paraît pas y avoir existé, et si l’on se tourne vers un autre rameau des Sémo-Chamites noirs, si l’on regarde à Tyr, on y trouve bien un roi esclave ; mais c’est une aristocratie qui le domine, et le pontife de Melkart, apparaissant dans les rangs des patriciens comme une force, n’y représente pas la force unique ou dominante.

À considérer similitudes et dissemblances au point de vue ethnique, les similitudes se montrent dans l’abaissement des sujets et dans l’énormité du pouvoir. La prérogative exercée

  1. (1) Wilkinson, t. I, p. 250.