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utile d’en remarquer ici, c’est que là, comme en Assyrie, le gouvernement commence par être exercé par les dieux, des dieux passent aux prêtres, des prêtres tombent aux chefs militaires (1)[1]. C’est l’idée nègre qui reparaît dans la même forme et suscitée par des circonstances toutes semblables. Les dieux, ce sont les blancs, les prêtres, les mulâtres de la caste hiératique. Les rois, ce sont les chefs armés, autorisés par la communauté d’origine blanche à prétendre au partage de l’empire, c’est-à-dire à s’emparer du gouvernement des corps en laissant celui des âmes à leurs rivaux. On peut supposer que la lutte fut longue et bien soutenue, que les pontifes ne se laissèrent pas aisément arracher la couronne ni chasser du trône, car la royauté militaire eut tous les caractères, non d’une victoire, mais d’un compromis. Le souverain pouvait appartenir indifféremment à l’une ou l’autre caste, celle des pontifes ou celle des guerriers. C’est la concession. La restriction la suit : si le souverain était de la seconde catégorie, il lui fallait, avant que d’entrer en jouissance des droits royaux, se faire admettre parmi les desservants des temples et s’instruire dans les sciences du sanctuaire (2)[2]. Une fois devenu hiérophante de forme et de fait, et seulement alors, le soldat heureux pouvait s’appeler roi, et, pendant tout le reste de sa vie, témoignant d’un respect sans bornes pour la religion et le sacerdoce, il devait, dans sa conduite privée et ses habitudes les plus intimes, ne s’écarter jamais des règles dont les prêtres étaient les auteurs et les gardiens. Jusqu’au fond du retrait le plus particulier de l’existence royale, les rivaux du maître avaient les yeux fixés. Quand il s’agissait d’affaires publiques, la dépendance était plus étroite encore. Rien ne s’exécutait sans la participation de l’hiérophante : membre du conseil souverain, sa voix avait le poids des oracles, et comme si tous ces liens de servitude eussent paru trop faibles encore pour sauvegarder cette part si énorme de pouvoir, les rois savaient qu’après leur mort ils auraient à subir un jugement, non pas de la part de leurs peuples,



(1) Les plus anciens noms, dans les ovales, sont précédés du titre de prêtre au lieu de celui de roi. (Wilkinson, t. I, p. 19.)

(2) Wilkinson, t. I, p. 246.

  1. (1) Les plus anciens noms, dans les ovales, sont précédés du titre de prêtre au lieu de celui de roi. (Wilkinson, t. I, p. 19.)
  2. (2) Wilkinson, t. I, p. 246.