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interrompit seule (de 1520 à 1274 av. J.-C.) le cours de la puissance chaldéenne. Une race dégénérée fut ainsi remplacée par des Sémites du sud, moins corrompus que l’élément chamitique, si prompt à pourrir tous les apports de sang noble dans les pays mésopotamiques. Mais aussitôt que des Chaldéens, plus purs que la famille ismaélite, se montrèrent de nouveau, celle-ci descendit du trône pour le leur céder.

On le voit : dans les sphères élevées du pouvoir, là où s’élaborent les idées civilisatrices, il n’est plus question, il ne doit plus jamais être tenu compte des Chamites noirs. Leurs masses se sont tout à fait humiliées sous les couches successives de Sémites. Elles font nombre dans l’État, et ne jouent plus de personnage actif. Mais un rôle si humble en apparence n’en est pas moins terrible et décisif. C’est le fond stagnant où tous les conquérants viennent, après peu de générations, s’abattre et s’engloutir. D’abord, de ce terrain corrompu sur lequel marchent triomphalement les vainqueurs, la boue ne leur monte que jusqu’à la cheville. Bientôt les pieds s’enfoncent, et l’immersion dépasse la tête. Physiologiquement comme moralement, elle est complète. Au temps d’Agamemnon, ce qui frappa le plus les Grecs dans les Assyriens venus au secours de Priam, ce fut la couleur de Memnon, le fils de l’Aurore. À ces peuples orientaux les rapsodes appliquaient sans hésitation le nom significatif d’Éthiopiens[1].

Après la destruction de Troie, les mêmes motifs commerciaux qui avaient engagé les Assyriens à favoriser l’établissement des villes maritimes dans le pays des Philistins et au nord de l’Asie Mineure[2], les portèrent également à pardonner

  1. Movers, t. II, 1re partie, p. 277. Les Éthiopiens, Αἰθίωπες (Aithiôpes), des Grecs, sont les enfants de Kouch. Ce sont des Arabes كوش. Ce mot Αἰθίωπες (Aithiôpes) indique la couleur noire des visages, comme celui de Φοίνιϰες (Phoinikes) indique la carnation cuivrée, rougeâtre, des Chananéens.
  2. Movers, t. II, 1re partie, p. 411. Cette alliance naturelle entre les Assyriens et les Grecs, concurrents des Phéniciens, est très bien caractérisée par ce qui se passait à Chypre. Il y eut là, de bonne heure, une double population ; l’une sémitique, l’autre grecque. Les Chypriotes grecs tenaient pour les Assyriens, les Sémites pour Tyr. (Movers, t. II, 1re partie, 387.)