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exil éternel, former à leur tour le patriciat des nouvelles colonies, et on n’a pas entendu dire que, malgré leur libéralisme, ils aient jamais désobéi à ce dernier ordre de la mère patrie.

Un jour arriva pourtant où la noblesse dut succomber. On connaît la date de cette défaite définitive ; on sait la forme qu’elle revêtit ; on peut en désigner la cause déterminante. La date, c’est l’an 829 avant J.-C. ; la forme, c’est l’émigration aristocratique qui fonda Carthage (1)[1] ; la cause déterminante est indiquée par l’extrême mélange où en étaient arrivées les populations sous l’action d’un élément nouveau qui, depuis un siècle environ, fomentait d’une manière irrésistible l’anarchie des éléments ethniques.

Les peuples hellènes avaient pris un développement considérable. Ils avaient commencé, de leur côté, à créer des colonies, et ces ramifications de leur puissance, s’étendant sur la côte de l’Asie Mineure, n’avaient pas tardé à envoyer en Chanaan de très nombreuses immigrations (2)[2]. Les nouveaux venus, bien autrement intelligents et alertes que les Sémites, bien autrement vigoureux de corps et d’esprit, apportèrent un précieux concours de forces à l’idée démocratique, et hâtèrent par leur présence la maturité de la révolution. Sidon avait succombé la première sous les efforts démagogiques. La populace victorieuse avait chassé les nobles, qui étaient allés fonder à Aradus une nouvelle cité, où le commerce et la prospérité s’étaient réfugiés, au détriment de l’ancienne ville, demeurée complètement ruinée (3)[3]. Tyr eut bientôt un sort pareil.

Les patriciens, craignant à la fois les séditieux des fabriques, le bas peuple, les esclaves royaux et le roi ; avertis du destin qui les menaçait par l’assassinat du plus grand d’entre eux, le pontife de Melkart, et ne jugeant pas pouvoir maintenir davantage leur autorité, ni sauver leur vie devant une génération issue de mélanges trop multiples, prirent le parti de s’expatrier. La flotte leur appartenait, les navires étaient gardés par



(1) Movers, das Phœnizische Alterthum, t. II, 1re partie, p. 352 et passim.

(2) Movers, t. II, 1re partie, p. 369.

(3) Movers, loc. cit.


  1. (1) Movers, das Phœnizische Alterthum, t. II, 1re partie, p. 352 et passim.
  2. (2) Movers, t. II, 1re partie, p. 369.
  3. (3) Movers, loc. cit.