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contre les intrigues des uns, la force brutale des autres, l’ambition ardente des plus grands, les convoitises grossières des plus petits, ils pouvaient user de cette immense ressource d’être les maîtres, arme qui ne se brise pas aisément dans le poing des forts.

Certes ils auraient gardé leur empire comme le garderait toute aristocratie, à perpétuité, si la victoire n’avait pu résulter que de l’énergie des assaillants ; mais c’était de leur affaiblissement qu’elle devait éclore. La défaite n’était à prévoir que du mélange de leur sang.

La révolution ne triompha que lorsqu’il lui fut né des auxiliaires à l’intérieur des palais dont elle s’évertuait à briser les portes.

Dans des États où le commerce donne la richesse et la richesse l’influence, les mésalliances, pour user d’un terme technique, sont toujours difficiles à éviter. Le matelot d’hier est le riche armateur de demain, et ses filles pénètrent, à la manière de la pluie d’or, dans le sein des plus orgueilleuses familles. Le sang des patriciens de la Phénicie était d’ailleurs si mélangé déjà, qu’on avait certainement peu de soin de le garantir contre de séduisantes modifications. La polygamie, si chère aux peuples noirs ou demi-noirs, rend aussi, sous ce rapport, toutes les précautions inutiles. L’homogénéité avait donc cessé d’exister parmi les races souveraines de la côte de Chanaan, et la démocratie trouva moyen de faire parmi celles-ci des prosélytes. Plus d’un noble commença à goûter des doctrines mortelles à sa caste.

L’aristocratie, s’apercevant de cette plaie ouverte dans ses flancs, se défendit au moyen de la déportation. Quand les séditions étaient sur le point d’éclater, ou quand une émeute était vaincue, on saisissait les coupables ; le gouvernement les embarquait de force avec des troupes cariennes, chargées de les surveiller, et les envoyait soit en Libye, soit en Espagne, soit au delà des colonnes d’Hercule, dans des lieux si éloignés, qu’on a prétendu retrouver la trace de ces colonisations jusqu’au Sénégal.

Les nobles apostats, mêlés à la tourbe, devaient, dans cet