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dieux avait pris fin pour être remplacé par celui des prêtres, qui, à leur tour, avaient cédé le pas à une organisation compliquée et savante, destinée à donner accès dans la sphère du pouvoir aux chefs et aux puissants des villes. À la suite de cette réforme, la distinction des races était tombée dans le néant. Il n’y avait plus eu que celle des familles. Devant la mutabilité perpétuelle et rapide des éléments ethniques, cet état aristocratique, dernier mot, terme extrême du sentiment révolutionnaire chez les premiers arrivants sémites, se trouva un jour ne plus suffire aux exigences des générations qui s’élevaient, et les idées démocratiques commencèrent à poindre.

Elles s’appuyèrent d’abord sur les rois. Ceux-ci prêtèrent volontiers l’oreille à des principes dont la première application devait être d’humilier les patriciats. Elles s’adressèrent ensuite aux troupeaux d’ouvriers employés dans les manufactures, et en firent le nerf de la faction qu’elles réunissaient. Comme agents actifs des intrigues et des conspirations, on recruta largement dans une classe d’hommes particulière, troupe habituée au luxe, touchant, au moins des yeux, aux grandes séductions de la puissance, mais sans droits, sans autre considération que celle de la faveur, méprisée surtout par les nobles, et dès lors les favorisant peu ; j’entends les esclaves royaux, les eunuques des palais, les favoris ou ceux qui tendaient à le devenir. Telle tut la composition du parti qui poussa à la destruction de l’ordre aristocratique.

Les adversaires de ce parti possédaient bien des ressources pour se défendre. Contre les désirs et les velléités des rois, ils avaient l’impuissance légale, la dépendance de ces magistrats sans autorité. Ils s’attachaient à en resserrer les nœuds. Aux masses turbulentes des ouvriers et des matelots, ils présentaient les épées et les dards de cette multitude de troupes mercenaires, surtout cariennes et philistines, qui formaient les garnisons des villes et dont eux seuls exerçaient le commandement. Enfin, aux ruses et aux menées des esclaves royaux, ils opposaient une longue habitude des affaires, une méfiance suffisamment aiguisée de la nature humaine, une sagesse pratique bien supérieure aux roueries de leurs rivaux ; en un mot,