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d’étoffes, de leurs teintureries, de leur navigation et de leur transit (1)[1].

Toutes les ressources de richesses que je viens d’énumérer restaient concentrées entre les mains de leurs créateurs. Mais, comme pour prouver combien c’est une faible marque de la force vitale des nations qu’un commerce productif, les Phéniciens, déchus de l’antique énergie qui les avait amenés jadis des bords de la mer Persique aux rives de la Méditerranée, n’avaient conservé aucune indépendance politique réelle (2)[2]. Ils se gouvernaient, le plus souvent, il est vrai, par leurs propres lois et dans leurs formes aristocratiques anciennes. Mais, en fait, la puissance assyrienne avait annulé leur indépendance. Ils recevaient et respectaient les ordres venus des contrées de l’Euphrate (3)[3]. Lorsque, dans quelques mouvements intérieurs, ils essayaient de secouer ce joug, leur unique ressource était de se tourner vers l’Égypte et de substituer l’influence de Memphis à celle de Ninive. De véritable isonomie, il n’en était plus question.

Outre la prépondérance des deux grands empires entre lesquels les villes chananéennes se trouvaient resserrées, un motif d’une autre nature forçait les Phéniciens aux plus constants ménagements envers ces puissants voisins. Les territoires de



(1) Je ne mentionne pas les ports de Gaza et d’Ascalon, parce qu’ils ne furent fondés qu’après l’émigration de Crète, déterminée par les conquêtes de l’Hellène Minos, 1548 avant J.-C. Du reste, les Assyriens, fidèles à leur système de s’affranchir du monopole phénicien, s’emparèrent très promptement de ces deux cités et leur donnèrent beaucoup de puissance. (Ewald, ouvrage cité, t. I, p. 294 et 367 ; Gesenius, Geschichte der hebraeischen Sprache, p. 14.)

(2) Movers, das Phœnizische Alterthum, t. II-I, p. 298 et 378. La politique assyrienne faisait trembler les États chananéens ; quand il n’y avait pas domination directe, l’influence restait énorme et, se mêlant aux querelles des partis, appuyant le faible pour ruiner le fort, suscitait des querelles incessantes et rendait la paix encore plus redoutable que la guerre. M. Movers décrit très bien le jeu de ces antiques combinaisons, et prouve que le but principal des hommes d’État d’Assyrie touchait aux questions commerciales.

(3) Movers, das Phœnizische Alterthum, t. II-I, p. 259 et 271, et passim.


  1. (1) Je ne mentionne pas les ports de Gaza et d’Ascalon, parce qu’ils ne furent fondés qu’après l’émigration de Crète, déterminée par les conquêtes de l’Hellène Minos, 1548 avant J.-C. Du reste, les Assyriens, fidèles à leur système de s’affranchir du monopole phénicien, s’emparèrent très promptement de ces deux cités et leur donnèrent beaucoup de puissance. (Ewald, ouvrage cité, t. I, p. 294 et 367 ; Gesénius, Geschichte der hebraeischen Sprache, p. 14.)
  2. (2) Movers, das Phœnizische Alterthum, t. II-I, p. 298 et 378. La politique assyrienne faisait trembler les États chananéens ; quand il n’y avait pas domination directe, l’influence restait énorme et, se mêlant aux querelles des partis, appuyant le faible pour ruiner le fort, suscitait des querelles incessantes et rendait la paix encore plus redoutable que la guerre. M. Movers décrit très bien le jeu de ces antiques combinaisons, et prouve que le but principal des hommes d’État d’Assyrie touchait aux questions commerciales.
  3. (3) Movers, das Phœnizische Alterthum, t. II-I, p. 259 et 271, et passim.