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Je parle ici des langues de l’Afrique orientale. On était déjà bien d’avis que le gheez et l’amharique, parlés en Abyssinie, sont franchement sémitiques, et, d’un commun accord, on les rattachait, purement et simplement, à la souche arabe (1)[1]. Mais voilà que la liste s’allonge, et dans les nouveaux rameaux linguistiques qu’il faut, bon gré mal gré, rattacher au nom de Sem, il se manifeste des caractères spéciaux qui forcent de les constituer à part de l’idiome des Cushites, des Joktanides et des Ismaélites. En première ligne se présentent le tögr-jana et le tögray ; puis la langue du Gouraghé au sud-ouest, l’adari dans le Harar, le gafat à l’ouest du lac Tzana, l’ilmorma, en usage chez plusieurs tribus gallas, l’afar et ses deux dialectes ; le saho (2)[2], le ssomal, le sechuana et le wanika (3)[3]. Toutes ces langues présentent des caractères nettement sémitiques. Il faut leur adjoindre encore le suahili, qui ouvre à son tour un autre coin de l’horizon.

C’est une langue cafre, et le peuple qui en parle les dialectes, jadis borné, dans l’opinion des Européens, aux territoires les plus méridionaux de l’Afrique, s’étend maintenant, pour nous, 5° plus au nord, jusque par delà Monbaz (4)[4]. Il atteint l’Abyssinie, confesse, lui noir et non pas nègre, une communauté fondamentale d’idiome avec des tribus purement nègres, telles que les Suahilis proprement dits, les Makouas et les



(1) Ewald, Zeitschrift für die Kunde des Morgenlandes, Ueber die Saho-Sprache in Æthiopien, t. V, p. 410.

(2) Les Sahos habitent non loin de Mossawa, ou mieux Massowa (en arabe) sur la mer Rouge. Jusqu’à d’Abbadie, on les avait toujours confondus tantôt avec les Gallas, tantôt avec les Danakils. (Ewald, Ueber die Saho-Sprache, t. v, p. 412.)

(3) Ewald, loc. cit., p. 422, pense que le saho s’est séparé des autres langues sémitiques dans une antiquité incommensurable. Il se sert de ce mot séparé, parce qu’il part de la supposition que le foyer sémitique est en Asie. Cependant, frappé du monde d’idées que soulève l’examen des langues noires, il s’écrie : « Quelles clartés nouvelles nous sont présentées par l’existence de pareilles langues sur le continent africain, au point de vue de l’histoire primitive des peuples et des idiomes sémitiques ! » M. Ewald ne se trompe pas, c’est toute une révélation.

(4) Pott, ouvr. cité, t. II, p. 8.

  1. (1) Ewald, Zeitschrift für die Kunde des Morgenlandes, Ueber die Saho-Sprache in Æthiopien, t. V, p. 410.
  2. (2) Les Sahos habitent non loin de Mossawa, ou mieux Massowa مصوع sur la mer Rouge. Jusqu’à d’Abbadie, on les avait toujours confondus tantôt avec les Gallas, tantôt avec les Danakils. (Ewald, Ueber die Saho-Sprache, t. v, p. 412.)
  3. (3) Ewald, loc. cit., p. 422, pense que le saho s’est séparé des autres langues sémitiques dans une antiquité incommensurable. Il se sert de ce mot séparé, parce qu’il part de la supposition que le foyer sémitique est en Asie. Cependant, frappé du monde d’idées que soulève l’examen des langues noires, il s’écrie : « Quelles clartés nouvelles nous sont présentées par l’existence de pareilles langues sur le continent africain, au point de vue de l’histoire primitive des peuples et des idiomes sémitiques ! » M. Ewald ne se trompe pas, c’est toute une révélation.
  4. (4) Pott, ouvr. cité, t. II, p. 8.