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les langues qu’ils venaient remplacer, de puissantes antipathies dont ils n’ont pas pu complètement triompher. Ils ont détruit les obstacles sans pouvoir fertiliser leurs restes, de sorte que les langues sémitiques sont des langues incomplètes (1)[1].

Ce n’est pas uniquement par ce qui leur fait défaut qu’on peut constater en elles ce caractère, c’est aussi par ce qu’elles possèdent. Un de leurs traits principaux, c’est la richesse des combinaisons verbales. Dans l’arabe ancien, les formes existent pour quinze conjugaisons dans lesquelles un verbe idéal peut passer. Mais ce verbe, comme je le dis, est idéal, et aucun des verbes réels n’est apte à profiter de la facilité de flexion ni de la multiplicité de nuances qui lui sont offertes par la théorie grammaticale (2)[2]. Il y a certainement, au fond de la nature de ces langues, quelque chose d’inconnu qui s’y oppose. Il s’ensuit que tous les verbes sont défectueux et que les irrégularités et les exceptions abondent. Or, comme on l’a bien démontré, toute langue a le complément de ce qui lui manque dans l’opulence plus logique de quelque autre à laquelle elle a fait ses emprunts imparfaits (3)[3].

Le complément du système sémitique paraît se rencontrer dans les langues africaines. Là, on est frappé de retrouver tout



(1) Gesénius les définit ainsi : 1° Parmi les consonnes, beaucoup de gutturales ; les voyelles ne jouent qu’un rôle très subordonné ; 2° la plupart des racines, trilittères ; 3° dans le verbe, deux temps seulement ; une régularité singulière quant à la formation des modes ; 4° dans le nom, deux genres, sans plus ; des désignations de cas d’une extrême simplicité ; 5° dans le pronom, tous les cas obliques déterminés par des affixes ; 6° presque aucun composé ni dans le verbe ni dans le nom (excepté dans les noms propres) ; 7° dans la syntaxe, une simple juxtaposition des membres de la phrase, sans grande coordination périodique. (Hebraeische Grammatik, t. I, p. 3.)

(2) Sylvestre de Sacy, Grammaire arabe, 2e édition, t. I, p. 125 et passim. — Ce savant philologue, contrairement à l’avis de plusieurs grammairiens nationaux, trouve l’emploi des dernières formes si rare, qu’il réduit le nombre total à treize, en y comprenant la conjugaison radicale du primitif trilittère.

(3) M. Prisse d’Avennes a récemment fait une très heureuse application de ce principe, dans son examen de la grammaire persane de M. Chodzko. Voir Revue orientale.


  1. (1) Gesénius les définit ainsi : 1° Parmi les consonnes, beaucoup de gutturales ; les voyelles ne jouent qu’un rôle très subordonné ; 2° la plupart des racines, trilittères ; 3° dans le verbe, deux temps seulement ; une régularité singulière quant à la formation des modes ; 4° dans le nom, deux genres, sans plus ; des désignations de cas d’une extrême simplicité ; 5° dans le pronom, tous les cas obliques déterminés par des affixes ; 6° presque aucun composé ni dans le verbe ni dans le nom (excepté dans les noms propres) ; 7° dans la syntaxe, une simple juxtaposition des membres de la phrase, sans grande coordination périodique. (Hebraeische Grammatik, t. I, p. 3.)
  2. (2) Sylvestre de Sacy, Grammaire arabe, 2e édition, t. I, p. 125 et passim. — Ce savant philologue, contrairement à l’avis de plusieurs grammairiens nationaux, trouve l’emploi des dernières formes si rare, qu’il réduit le nombre total à treize, en y comprenant la conjugaison radicale du primitif trilittère.
  3. (3) M. Prisse d’Avennes a récemment fait une très heureuse application de ce principe, dans son examen de la grammaire persane de M. Chodzko. Voir Revue orientale.