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Ainsi, à ces époques primitives, l’émigration ne rompait pas tous les liens entre les Sémites absents de leurs montagnes et les membres de leurs familles qui avaient continué d’y habiter. Les nouvelles traversaient les plaines et les rivières, volaient de la maison chaldéenne à la tente errante du Chanaan, et circulaient à travers de vastes contrées morcelées entre tant de souverainetés diverses. C’est un exemple et une preuve de l’activité de vie et de la communauté d’idées et de sentiments qui embrassaient le monde chamo-sémitique.

Je ne veux pas pousser plus avant les détails de cette histoire : on les connaît assez. On sait que les Sémites abrahamides finirent par se fixer à demeure dans le pays de la Promesse. Ce que je veux seulement ajouter, c’est que les scènes du premier établissement, comme celles du départ et des hésitations qui précédèrent, rappellent d’une manière frappante ce que montrent, de nos jours, tant de familles irlandaises ou allemandes sur la terre d’Amérique. Quand un chef intelligent les conduit et dirige leurs travaux, elles réussissent comme les enfants du patriarche. Lorsqu’elles sont mal inspirées, elles échouent et disparaissent comme tant de groupes sémitiques dont la Bible nous laisse par éclairs entrevoir les désastres. C’est la même situation ; les mêmes sentiments s’y montrent dans des circonstances toujours analogues. On y voit persister au fond des cœurs cette touchante partialité à l’égard de la patrie lointaine, vers laquelle, pour rien au monde, on ne voudrait cependant rétrograder. C’est une joie semblable d’en recevoir des nouvelles, le même orgueil attaché à la parenté qu’on y conserve ; en un mot, tout est pareil.

J’ai montré une famille de pasteurs assez obscurs, assez humbles. Ce n’était pas là ce qui faisait surtout l’importance des émigrations sémitiques isolées dans les États assyriens ou chananéens. Ces bergers vivaient trop pour eux-mêmes et n’étaient pas d’une utilité assez directe aux populations visitées par eux. Il est donc tout simple que ceux de leurs frères qui avaient embrassé le métier des armes et se montraient experts dans cette utile profession fussent plus recherchés et plus remarqués.