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compté, selon toute vraisemblance, que pour un très mince personnage, se trouva être, dans cette nouvelle patrie, un grand propriétaire, un homme considérable, presque un roi (1)[1]. Il en arrive ainsi, d’ordinaire, à ceux qui, abandonnant à propos une terre ingrate, portent dans un pays neuf du courage, de l’énergie et la résolution de s’agrandir.

Aucune de ces qualités ne manquait à Abram. Il ne forma pas d’abord un établissement fixe. Dieu lui avait promis de le rendre un jour maître de la contrée et d’y établir les générations sorties de ses reins. Il voulut connaître son empire. Il le parcourut tout entier. Il contracta des alliances utiles avec plusieurs des nomades qui l’exploitaient comme lui (2)[2]. Il descendit même en Égypte ; bref, quand il approcha du terme de sa carrière, il était puissant, il était riche. Il avait gagné beaucoup d’or et d’esclaves, beaucoup de troupeaux. Il était surtout devenu l’homme du pays, et il pouvait le juger ainsi que les peuples qui l’habitaient.

Ce jugement était sévère. Il avait bien connu les mœurs brutales et abominables des Chamites. Ce qui était arrivé à Sodome et Gomorrhe lui avait paru hautement mérité par les crimes des deux villes où Dieu lui avait prouvé qu’il ne se trouvait pas dix honnêtes gens (3)[3]. Il ne voulut pas que sa descendance fût souillée, dans le seul rameau qui lui tînt à cœur par une parenté avec des races si perverties, et il commanda à son intendant d’aller quérir, dans le pays natal de sa tribu, une femme de sa parenté, une fille de Bathuel, fils de Melcha et de Nachor (4)[4], par conséquent sa petite-nièce. Jadis on lui avait fait savoir la naissance de cette enfant (5)[5].



(1) Gen., XXIII, 6 : « Audi nos, domine, princeps Dei es apud nos. »

(2) Gen., XIV, 13 : « Nunciavit Abram Hebræo qui habitabat in convalle Mambre Amorrhæi, fratris Eschol et fratris Aner ; hi enim pepigerant fœdus cum Abram. » — XXI, 27... « Percusseruntque ambo (cum Abimelech) fœdus. » (3) Gen., XVIII, 32 : « Et dixit (Deus) : Non delebo propter decem. »

(4) Gen., XIV, 24... : « Filia sum Bathuelis, filii Nachor, quem peperit ei Melcha. »

(5) Gen., XXII, 20 : « His ira gestis, nunciatum est Abrahæ, quod Melcha quoque genuisset filios Nachor fratri suo. »


  1. (1) Gen., XXIII, 6 : « Audi nos, domine, princeps Dei es apud nos. »
  2. (2) Gen., XIV, 13 : « Nunciavit Abram Hebræo qui habitabat in convalle Mambre Amorrhæi, fratris Eschol et fratris Aner ; hi enim pepigerant fœdus cum Abram. » — XXI, 27... « Percusseruntque ambo (cum Abimelech) fœdus. »
  3. (3) Gen., XVIII, 32 : « Et dixit (Deus) : Non delebo propter decem. »
  4. (4) Gen., XIV, 24... : « Filia sum Bathuelis, filii Nachor, quem peperit ei Melcha. »
  5. (5) Gen., XXII, 20 : « His ira gestis, nunciatum est Abrahæ, quod Melcha quoque genuisset filios Nachor fratri suo. »