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étant tombés au niveau des sujets, tout le monde crut à la laideur, admira et adora la difformité, lèpre victorieuse, invinciblement unie désormais aux doctrines et aux représentations figurées.

Et ce n’est pas en vain que le culte se déshonore chez un peuple. Bientôt la morale de ce peuple, suivant avec fidélité la triste route dans laquelle s’engage la foi, ne s’avilit pas moins que son guide. Il est impossible, à la créature humaine qui se prosterne devant un tronc de bois ou un morceau de pierre laidement contourné, de ne pas perdre la notion du bien après celle du beau. Les Chamites noirs avaient eu, d’ailleurs, tant de bonnes raisons pour se pervertir ! Leurs gouvernements les mettaient si directement sur la voie, qu’ils ne pouvaient y manquer. Tant que la puissance souveraine était restée entre les mains de la race blanche, l’oppression des sujets avait peut-être tourné au profit de l’amélioration des mœurs. Depuis que le sang noir avait tout souillé de ses superstitions brutales, de sa férocité innée, de son avidité pour les jouissances matérielles, l’exercice du pouvoir avait profité particulièrement à la satisfaction des instincts les moins nobles, et la servitude générale, sans devenir plus douce, s’était trouvée beaucoup plus dégradante. Tous les vices s’étaient donné rendez-vous dans les pays assyriens.

À côté des raffinements de luxe, que j’énumérais tout à l’heure, les sacrifices humains, ce genre d’hommage à la divinité, que la race blanche n’a jamais pratiqué que par emprunt aux habitudes des autres espèces, et que la moindre infusion nouvelle de son propre sang lui a fait aussitôt maudire, les sacrifices humains déshonoraient les temples des cités les plus riches et les plus civilisées. À Ninive, à Tyr, et plus tard à Carthage, ces infamies furent d’institution politique, et ne cessèrent jamais de s’accomplir avec le cérémonial le plus imposant. On les jugeait nécessaires à la prospérité de l’État.

Les mères donnaient leurs enfants pour être éventrés sur les autels. Elles s’enorgueillissaient à voir leurs nourrissons gémir et se débattre dans les flammes du foyer de Baal. Chez les dévots, l’amour de la mutilation était l’indice le plus estimé du