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Pour satisfaire à leurs besoins, sans cesse renaissants, sans cesse augmentant, le commerce allait fouiller tous les coins du monde, y quêter le tribut de chaque rareté. Les vastes territoires de l’Asie inférieure et supérieure demandaient sans relâche, réclamaient toujours de nouvelles acquisitions. Rien n’était pour eux ni trop beau ni trop cher. Ils se trouvaient, par l’accumulation de leurs richesses, en situation de tout vouloir, de tout apprécier et de tout payer.

Mais à côté de tant de magnificence matérielle, mêlée à l’activité artistique et la favorisant, de terribles indices, des plaies hideuses révélaient les maladies dégradantes que l’infusion du sang noir avait fait naître et développait d’une façon terrible. L’antique beauté des idées religieuses avait été graduellement souillée par les besoins superstitieux des mulâtres. À la simplicité de l’ancienne théologie avait succédé un émanatisme grossier, hideux dans ses symboles, se plaisant à représenter les attributs divins et les forces de la nature sous des images monstrueuses, défigurant les idées saines, les notions pures, sous un tel amas de mystères, de réserves, d’exclusions et d’indéchiffrables mythes, qu’il était devenu impossible à la vérité, refusée ainsi systématiquement au plus grand nombre, de ne pas finir, avec le temps, par devenir inabordable, même au plus petit. Ce n’est pas que je ne comprenne les répugnances que durent éprouver les Chamites blancs à commettre la majesté des doctrines de leurs pères avec l’abjecte superstition de la tourbe noire, et de ce sentiment on peut faire dériver le premier principe de leur amour du secret. Puis ils ne manquèrent pas non plus de comprendre bientôt toute la puissance que le silence donnait à leurs pontificats sur des multitudes plus portées à redouter la réserve hautaine du dogme et ses menaces qu’à en rechercher les côtés sympathiques et les promesses. D’autre part, je conçois aussi que le sang des esclaves, ayant, un jour, abâtardi les maîtres, inspira bientôt à ces derniers ce même esprit de superstition contre lequel le culte s’était d’abord mis en garde.

Ce qui primitivement avait été pudeur, puis moyen politique, finit par devenir croyance sincère, et, les gouvernants