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paradoxe que les fantasmagories du même genre iront rejoindre quand leur fin sera arrivée.

Encore une fois, je laisse ces pages telles que je les ai écrites à l’époque où la doctrine qu’elles contiennent sortait de mon esprit, comme un oiseau met la tête hors du nid et cherche sa route dans l’espace où il n’y a pas de limites. Ma théorie a été ce qu’elle était, avec ses faiblesses et sa force, son exactitude et sa part d’erreurs, pareille à toutes les divinations de l’homme. Elle a pris son essor, elle le continue. Je n’essaierai ni de raccourcir, ni d’allonger ses ailes, ni moins encore de rectifier son vol. Qui me prouverait qu’aujourd’hui je le dirigerais mieux et surtout que j’atteindrais plus haut dans les parages de la vérité ? Ce que je pensais exact, je le pense toujours tel et n’ai, par conséquent, aucun motif d’y rien changer.

Aussi bien ce livre est la base de tout ce que j’ai pu faire et ferai par la suite. Je l’ai, en quelque sorte, commencé dès mon enfance. C’est l’expression des instincts apportés par moi en naissant. J’ai été avide, dès le premier jour où j’ai réfléchi, et j’ai réfléchi de bonne heure, de me rendre compte de ma propre nature, parce que fortement saisi par cette maxime : « Connais-toi toi-même, » je n’ai pas estimé que je pusse me connaître, sans savoir ce qu’était le milieu dans lequel je venais vivre et qui, en partie, m’attirait à lui par la sympathie la plus passionnée et la plus tendre, en partie me dégoûtait et me remplissait de haine, de mépris et d’horreur. J’ai donc fait mon possible pour pénétrer de mon mieux dans l’analyse de ce qu’on appelle, d’une façon un peu plus générale qu’il ne faudrait, l’espèce humaine, et c’est cette étude qui m’a appris ce que je raconte ici.