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lorsqu’un Provençal ou un Italien donne le jour à un hybride mulâtre, ce rejeton est infiniment moins vigoureux que lorsqu’il est né d’un père anglais. C’est qu’en effet le type blanc de l’Anglo-Saxon, quoique loin d’être pur, n’est pas du moins affaibli d’avance par des séries d’alluvions mélaniennes comme celui des peuples du sud de l’Europe, et il peut transmettre à ses métis une plus grande part de la force primordiale. Cependant, je le répète, il s’en faut que le plus vigoureux mulâtre actuel équivaille au Chamite noir d’Assyrie, qui, la lance à la main, faisait trembler tant de nations esclaves.

Pour présenter de ce dernier un portrait ressemblant, je ne trouve rien de mieux que de lui appliquer le récit de la Bible sur certains autres métis plus anciens encore que lui, et dont l’histoire trop obscure et en partie mythique ne doit pas trouver place dans ces pages. Ces métis sont les êtres antédiluviens donnés comme fils des Caïnites et des anges. Ici il est indispensable de se débarrasser de l’idée agréable dont les notions chrétiennes ont revêtu le nom de ces créatures mystérieuses. L’imagination chananéenne, origine de la notion mosaïque, ne prenait pas les choses ainsi. Les anges étaient, pour elle, comme, du reste, pour les Hébreux, des messagers de la divinité, sans doute, mais plutôt sombres que doux, plutôt animés d’une grande force matérielle que représentant une énergie purement idéale. À ce titre, on se les imaginait sous des formes monstrueuses et propres à inspirer l’épouvante, non pas la sympathie (1)[1].

Lorsque ces créatures robustes se furent unies aux filles des Caïnites, il en naquit des géants (2)[2] dont on peut juger le caractère par le morceau littéraire le plus ancien, peut-être, du monde, par cette chanson, que disait à ses femmes un des




(1) Tels étaient, par exemple, les chérubins à tête de bœuf. Gesénius les définit ainsi : « (hébreu) in Hebræcorum theologia natura quædam sublimior et cœlestis cujus formam ex humana, bovina, leonina et aquilina (quæ tria animalia cum homine potentiæ et sapientiæ symbola sunt), compositam sibi fingebant. » (Lexicon manuale hebraïcum et chaldaïcum.)

(2) Gen., VI. 2, 4. : « Videntes filii Dei filias hominum quod essent pulchræ, acceperunt sibi uxores ex omnibus quas elegerant...

  1. (1) Tels étaient, par exemple, les chérubins à tête de bœuf. Gesénius les définit ainsi : « (hébreu) in Hebræcorum theologia natura quædam sublimior et cœlestis cujus formam ex humana, bovina, leonina et aquilina (quæ tria animalia cum homine potentiæ et sapientiæ symbola sunt), compositam sibi fingebant. » (Lexicon manuale hebraïcum et chaldaïcum.)
  2. (2) Gen., VI. 2, 4. : « Videntes filii Dei filias hominum quod essent pulchræ, acceperunt sibi uxores ex omnibus quas elegerant... Gigantes autem erant super terram in diebus illis. Postquam enim ingressi sunt filii Dei ad filias hominum, illæque genuerunt, isti sunt potentes a sæculo viri famosi. »