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d’analogies de sons qui ne présentent rien de certain et ne suffisent pas à une étymologie sérieuse.

Quoi qu’il en soit, voilà ces peuples blancs, longtemps avant les temps historiques, pourvus, dans leurs différentes branches, des deux éléments principaux de toute civilisation : une religion, une histoire.

Quant à leurs mœurs un trait saillant en est resté : ils ne combattaient pas à pied, comme, probablement, leurs grossiers voisins du nord et de l’est. Ils s’élançaient contre leurs ennemis, montés sur des chariots de guerre, et, de cette habitude conservée, unanimement, par les Égyptiens, les Hindous, les Assyriens, les Perses, les Grecs, les Galls, on est en droit de conclure un certain raffinement dans la science militaire, qu’il eût été impossible d’atteindre sans la pratique de plusieurs arts compliqués, tels que le travail du bois, du cuir, la connaissance des métaux, et le talent de les extraire et de les fondre. Les blancs primitifs savaient, aussi, tisser des étoffes (1)[1] pour leur habillement et vivaient réunis et sédentaires dans de grands villages (2)[2], ornés de pyramides, d’obélisques et de tumulus de pierre ou de terre.

Ils avaient su réduire les chevaux en domesticité. Leur mode d’existence était la vie pastorale. Leurs richesses consistaient en troupeaux nombreux de taureaux et de génisses (3)[3]. L’étude comparée des langues, d’où jaillissent, chaque jour, tant de faits curieux et inattendus, paraît établir, d’accord avec la nature de leurs territoires, qu’ils ne s’adonnaient que peu à l’agriculture (4)[4].



(1) Lassen, Indisch. Alterth., t. I, p. 815.

(2) Id., ibid., t. I, p. 816.

(3) Il semble que l’existence pastorale ait d’abord été inventée par l’espèce blanche. Ce qui l’indiquerait, c’est que plusieurs familles jaunes ont ignoré l’usage du lait, et cela dans un état de civilisation avancée. Les habitants de certaines parties de la Chine et de la Cochinchine ne traient jamais leurs vaches. Les Aztèques ne pratiquent même pas la domestication des animaux. (Voir Prescott, History of the conquest of Mejico, t. III, p. 257 ; et A. de Humboldt, Essai politique sur la Nouvelle-Espagne, t. III, p. 58.)

(4) Les méthodes que l’on a employées pour tirer, en quelque sorte, du néant ces renseignements, que l’on pourrait appeler l’histoire

  1. (1) Lassen, Indisch. Alterth., t. I, p. 815.
  2. (2) Id., ibid., t. I, p. 816.
  3. (3) Il semble que l’existence pastorale ait d’abord été inventée par l’espèce blanche. Ce qui l’indiquerait, c’est que plusieurs familles jaunes ont ignoré l’usage du lait, et cela dans un état de civilisation avancée. Les habitants de certaines parties de la Chine et de la Cochinchine ne traient jamais leurs vaches. Les Aztèques ne pratiquent même pas la domestication des animaux. (Voir Prescott, History of the conquest of Mejico, t. III, p. 257 ; et A. de Humboldt, Essai politique sur la Nouvelle-Espagne, t. III, p. 58.)
  4. (4) Les méthodes que l’on a employées pour tirer, en quelque sorte, du néant ces renseignements, que l’on pourrait appeler l’histoire antéhistorique, ne sont pas sans analogie avec les ingénieux travaux des géologues, et, trouvées par non moins de sagacité et d’acutesse d’esprit, elles conduisent à des résultats aussi précis, aussi incontestables, et tels que les annales positives sont loin de les donner toujours. Ainsi, de ce qu’on rencontre l’usage du char de guerre chez tous les peuples que j’ai énumérés, on conclut, et avec toute raison, que cette mode guerrière était pratiquée par les rameaux blancs d’où sont descendus les Égyptiens, les Hindous, les Galls. En effet, l’idée de combattre en voiture n’est pas de ces notions essentielles qui, comme celles de manger et de boire, viennent indifféremment à toutes les créatures, sans consultation ni entente préalable. D’autre part, c’est une de ces découvertes compliquées qui, une fois faites et jusqu’à ce qu’elles soient remplacées par de plus heureuses, ou entravées dans leur application par des circonstances locales, persistent dans les nations et contribuent à leur luxe comme à leur force. On a pu préciser de la même manière le genre de vie des populations blanches primitives. L’examen des langues qu’on nomme indo-germaniques a fait reconnaître dans le sanscrit, le grec, le latin, les dialectes celtiques et slaves, une parfaite identité de termes pour tout ce qui touche à la vie pastorale et aux habitudes politiques. C’est en considérant les mots de près et dans leurs racines qu’on a appris de quelles idées découlaient les notions simples ou complexes que ces mots étaient chargés de reproduire. On a trouvé que, pour nommer un bœuf, un cheval, un chariot, une arme, les blancs primitifs avaient des expressions qui sont demeurées inébranlablement attachées au lexique de la plupart des langues de la même famille. Les habitudes guerrières et pastorales avaient donc chez eux de profondes racines. En même temps, on remarquait, dans toutes ces langues, la diversité des formes employées pour tout ce qui ressort de l’agriculture, comme les noms des végétaux et des instruments aratoires. Le travail de la terre est donc une invention postérieure aux séparations de la grande famille, etc. En poursuivant le même travail étymologique, on a de même connu ce que les blancs primitifs entendaient par un Dieu ; l’idée qu’emportaient, pour eux, le mot roi, celui de chef. L’étude comparée des idiomes a donné, ainsi, trois grands résultats à l’histoire : 1° la preuve de la parenté des nations blanches les plus séparées par les distances géographiques ; 2° l’état commun dans lequel ces nations vivaient antérieurement à leurs migrations ; 3° la démonstration de leur précoce sociabilité et de ses caractères.