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deviennent plus hypothétiques encore. Il est fâcheux de s’y voir réduit lorsqu’on cherche à éclairer la marche d’une famille humaine et à reconnaître les éléments ethniques qui la composent. Nous savons que le sanscrit, le zend, sont des langues parentes. C’est un grand point. Quant à leur racine commune, rien ne nous est révélé. De même pour les autres langues très anciennes. De l’euskara, nous ne connaissons rien que lui-même. Comme il n’a pas, jusqu’à présent, d’analogue, nous ignorons sa généalogie, nous ignorons s’il doit être considéré comme tout à fait primitif, ou bien s’il ne faut voir en lui qu’un dérivé. Il ne saurait donc rien nous apprendre de positif sur la nature simple ou composite du groupe qui le parle.

En matière d’ethnologie, il est bon d’accepter avec gratitude les secours philologiques. Pourtant il ne faut les recevoir que sous réserve, et, autant que possible, ne rien fonder sur eux seuls (1)[1].

Cette règle est commandée par une nécessaire prudence. Cependant tous les faits qui viennent d’être passés en revue établissent que l’identité est originairement entière entre le mérite intellectuel d’une race et celui de sa langue naturelle et propre ; que les langues sont, par conséquent, inégales en valeur et en portée, dissemblables dans les formes et dans le fond, comme les races ; que leurs modifications ne proviennent que de mélanges avec d’autres idiomes, comme les modifications des races ; que leurs qualités et leurs mérites s’absorbent et disparaissent, absolument comme le sang des races, dans une immersion trop considérable d’éléments hétérogènes ; enfin que, lorsqu’une langue de caste supérieure se trouve chez un groupe humain indigne d’elle, elle ne manque pas de

  1. On ne doit pas perdre de vue que les précautions ici indiquées ne s'appliquent qu'à la détermination de la généalogie d'un peuple, et non pas d'une famille de peuples. Si une nation change quelquefois de langue, jamais ce fait ne s'est produit et ne pourrait se produire pour tout un faisceau de nationalités, ethniquement identiques, politiquement indépendantes. Les juifs ont abandonné leur idiome ; l'ensemble des nations sémitiques n'a jamais pu perdre ses dialectes natifs et ne saurait en avoir d'autres.