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sont pas toujours les mêmes que ceux dont use la femme. En tous cas, l’homme, lorsqu’il emploie les expressions de la femme, en modifie les désinences. Ceci est assurément fort raffiné. Malheureusement, à côté de ce luxe lexicologique, le système de numération se présente restreint aux nombres les plus élémentaires. Très probablement, dans une langue en apparence si travaillée, ce trait d’indigence n’est que l’effet de l’injure des siècles, servie par la barbarie des possesseurs actuels. On se rappelle involontairement, en contemplant de telles bizarreries, ces palais somptueux, merveilles de la Renaissance, que les effets des révolutions ont adjugés définitivement à de grossiers villageois. L’œil y admire encore des colonnettes délicates, des rinceaux élégants, des porches sculptés, des escaliers hardis, des arêtes imposantes, luxe inutile à la misère qui les habite ; tandis que les toits crevés laissent entrer la pluie, que les planchers s’effondrent et que la pariétaire disjoint les murs qu’elle envahit.

Je puis établir désormais que la philologie, dans ses rapports avec la nature particulière des races, confirme toutes les observations de la physiologie et de l’histoire. Seulement, ses assertions se font remarquer par une extrême délicatesse, et lorsqu’on ne peut s’appuyer que sur elles, rien de plus hasardé que de s’en contenter pour conclure. Sans doute, sans nul doute, l’état d’un langage répond à l’état intellectuel du groupe qui le parle, mais non pas toujours à sa valeur intime. Pour obtenir ce rapport, il faut considérer uniquement la race par laquelle et pour laquelle ce langage a été primitivement créé. Or l’histoire ne paraît nous adresser, à part la famille noire et quelques peuplades jaunes, qu’à des races quartenaires, tout au plus. En conséquence, elle ne nous conduit que devant des idiomes dérivés, dont on ne peut préciser nettement la loi de formation que lorsque ces idiomes appartiennent à des époques comparativement récentes. Il s’ensuit que des résultats ainsi obtenus, et qui ont besoin constamment de la confirmation historique, ne sauraient fournir une classe de preuves bien infaillibles. À mesure qu’on s’enfonce dans l’antiquité et que la lumière vacille davantage, les arguments philologiques