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des faits historiques ou de servir des passions positives, la poésie proprement dite, l’amour de la forme et la recherche du beau ne tiennent pas toujours assez de place dans leurs grands récits. La littérature de la langue d’oïl eut, avant tout, la prétention d’être utilitaire. C’est ainsi que les races, le langage et les écrits se trouvent ici en accord parfait.

Mais il était naturel que l’élément germanique, beaucoup moins abondant que le fond gaulois et que la mixture romaine, perdît peu à peu du terrain dans le sang. En même temps, il en perdit dans la langue et, d’une part, le celtique, d’autre part, le latin gagnèrent à mesure qu’il se retira. Cette belle et forte langue, dont nous ne connaissons guère que l’apogée, et qui se serait encore perfectionnée en suivant sa voie, commença à déchoir et à se corrompre vers la fin du XIIIe siècle. Au XVe, ce n’était plus qu’un patois d’où les éléments germaniques avaient complètement disparu. Ce qui restait de ce trésor dépensé, n’apparaissant désormais que comme une anomalie au milieu des progrès du celtique et du latin, n’offrait plus qu’un aspect illogique et barbare. Au XVIe siècle, le retour des études classiques trouva le français dans ce délabrement, et voulut s’en emparer pour le perfectionner dans le sens des langues anciennes. Tel fut le but avoué des littérateurs de cette belle époque. Ils ne réussirent guère, et le XVIIe siècle, plus sage, ou s’apercevant qu’il ne pouvait maîtriser la puissance irrésistible des choses, ne s’occupa qu’à améliorer, par elle-même, une langue qui se précipitait chaque jour davantage vers les formes les plus naturelles à la race prédominante, c’est-à-dire vers celles qui avaient autrefois constitué la vie grammaticale du celtique.

Bien que la langue d’oïl d’abord, la française ensuite aient, dû à la simplicité plus grande des mélanges de races et d’idiomes d’où elles sont issues un plus grand caractère d’unité que le roman, elles ont eu cependant des dialectes qui ont vécu et se maintiennent. Ce n’est pas trop d’honneur pour ces formes que de les appeler des dialectes, et non pas des patois. Leur raison d’être ne se trouve pas dans la corruption du type dominant dont elles ont toujours été au moins les contemporaines.