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mesure que renaquit la puissance gallo-romaine. Quant au celtique, il n’avait point reculé devant la civilisation italienne, c’est devant la colonisation qu’il avait fui, et encore peut-on dire avec vérité qu’il avait remporté en fin de compte, grâce au nombre de ceux qui le parlaient, plus qu’une demi-victoire puisqu’il lui avait été donné, quand la fusion des Galls, des Romains et des hommes du Nord s’était opérée définitivement, de préparer à la langue moderne sa syntaxe, d’éteindre en elle les accentuations rudes venues de la Germanie et les plus vives sonorités apportées de la Péninsule, et de faire triompher l’eurythmie assez terne qu’il possédait lui-même. Le développement graduel de notre français n’est que l’effet de ce travail latent, patient et sûr. Les causes qui ont dépouillé l’allemand moderne des formes assez éclatantes remarquées dans le gothique de l’évêque Ulphila, ne sont pas autres, non plus, que la présence d’une épaisse population kymrique sous le petit nombre d’éléments germaniques demeurés au delà du Rhin[1], après les grandes migrations qui suivirent le Ve siècle de notre ère.

Les mélanges de peuples présentant sur chaque point des caractères particuliers issus du quantum des éléments ethniques, les résultats linguistiques sont également nuancés. On peut poser en thèse générale qu’aucun idiome ne demeure pur après un contact intime avec un idiome différent ; que même, lorsque les principes respectifs offrent le plus de dissemblances, l’altération se fait au moins sentir dans la lexicologie ; que, si la langue parasite a quelque force, elle ne manque pas d’attaquer le mode d’eurythmie, et même les côtés les plus faibles du système grammatical, d’où il résulte que le langage est une des parties les plus délicates et les plus fragiles de l’individualité des peuples. On aura donc souvent le singulier spectacle d’une

    viendront aussi familiers aux habitants que s'ils étaient de leur cru. » (Kaempfer, Histoire du Japon, in-fol., La Haye, 1729, liv. Ier, p. 73.)

  1. Keferstein (Ansichten über die keltischen Alterthümer, Halle, 1846-1851 ; Einleit., 1, XXXVIII) prouve que l’allemand n’est qu’une langue métisse composée de celtique et de gothique. Grimm exprime le même avis.