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Néanmoins, je ne repousse pas l’idée d’attribuer aux races masculines une infériorité esthétique assez marquée[1], qui se reproduirait dans la construction de leurs idiomes. J’en trouve l’indice, non seulement dans le chinois et son indigence relative, mais encore dans le soin avec lequel certaines races modernes de l’Occident ont dépouillé le latin de ses plus belles facultés rythmiques, et le gothique de sa sonorité. Le faible mérite de nos langues actuelles, même des plus belles, comparées au sanscrit, au grec, au latin même, n’a pas besoin d’être démontré, et concorde parfaitement avec la médiocrité de notre civilisation et de celle du Céleste Empire, en matière d’art et de littérature. Cependant, tout en admettant que cette différence puisse servir, avec d’autres traits, à caractériser les langues des races masculines, comme il existe pourtant dans ces langues un sentiment, moindre sans doute, cependant puissant encore, de l’eurythmie, et une tendance réelle à créer et à maintenir des lois d’enchaînement entre les sons et des conditions particulières de formes et de classes pour les modifications parlées de la pensée, j’en conclus que, même au sein des idiomes des races masculines, le sentiment du beau et de la logique, l’étincelle intellectuelle se fait encore apercevoir et préside donc partout à l’origine des langages, aussi bien que le besoin matériel.

Je disais, tout à l’heure, que, si cette dernière cause avait pu régner seule, un fond d’articulations formées au hasard aurait suffi aux nécessités humaines, dans les premiers temps de l’existence de l’espèce. Il paraît établi que cette hypothèse n’est pas soutenable.

Les sons ne se sont pas appliqués fortuitement à des idées. Le choix en a été dirigé par la reconnaissance instinctive d’un certain rapport logique entre des bruits extérieurs recueillis

    à séparer le langage qui en est revêtu du reste des langages humains, en lui constituant une individualité spéciale.

  1. Gœthe a dit dans son roman de Wilhelm Meister : « Peu d’Allemands et peut-être peu d’hommes, dans les nations modernes, possèdent le sens d’un ensemble esthétique. Nous ne savons louer et blâmer que par morceaux, nous ne sommes ravis que d’une façon fragmentaire. »