Page:Gobineau Essai inegalite races 1884 Vol 1.djvu/225

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Elle avait pris part à leurs travaux et, semblable à un corps moitié plongé dans l’eau, moitié exposé au soleil, elle tenait, tout à la fois, d’une culture avancée et de la barbarie.

Mahomet inventa la religion la plus conforme aux idées de son peuple, où l’idolâtrie trouvait de nombreux adeptes, mais où le christianisme, dépravé par les hérétiques et les judaïsants, ne faisait guère moins de prosélytes. Le thème religieux du prophète koréischite fut une combinaison telle, que l’accord entre la loi de Moïse et la foi chrétienne, ce problème si inquiétant pour les premiers catholiques et toujours assez présent à la conscience des populations orientales, s’y trouva plus balancé que dans les doctrines de l’Église. C’était déjà un appât d’une saveur séduisante, et du reste, toute nouveauté théologique avait chance de gagner des croyants parmi les Syriens et les Égyptiens. Pour couronner l’œuvre, la religion nouvelle se présentait le sabre à la main, autre garantie de succès chez des masses sans lien commun, et pénétrées du sentiment de leur impuissance.

C’est ainsi que l’islamisme sortit de ses déserts. Arrogant, peu inventeur, et déjà, d’avance, conquis, aux deux tiers, à la civilisation gréco-asiatique, à mesure qu’il avançait, il trouvait, sur les deux plages de l’est et du sud de la Méditerranée, toutes ses recrues saturées d’avance de cette combinaison compliquée. Il s’en imprégna davantage. Depuis Bagdad jusqu’à Montpellier, il étendit son culte emprunté à l’Église, à la Synagogue, aux traditions défigurées de l’Hedjaz et de l’Yémen, ses lois persanes et romaines, sa science gréco-syrienne[1] et égyptienne, son administration, dès le premier jour, tolérante comme il convient, lorsque rien d’unitaire ne réside dans un corps d’État. On a eu grand tort de s’étonner des rapides progrès des Musulmans dans le raffinement des mœurs. Le

  1. W. de Humboldt, Ueber die Kawie-Sprache, Einleitung, p. CCLXIII : « Durch die Richtung auf diese Bildung und durch innere Stammesverwandtschaft werden sie wirklich für griechischen Geist und griechische Sprache empfaenglich, da die Araber vorzugsweise nur an den wissentschaftlichen Resultaten griechischer Forschung hingen. »