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toutes les civilisations, quelques mots seulement sur la situation de la culture arabe vis-à-vis de la nôtre.

Quant à la répulsion réciproque, il n’y a pas à en douter. Nos pères du moyen âge ont pu admirer de près les merveilles de l’État musulman, lorsqu’ils ne se refusaient pas à envoyer leurs étudiants dans les écoles de Cordoue. Cependant rien d’arabe n’est resté en Europe hors des pays qui ont gardé quelque peu de sang ismaélite, et l’Inde brahmanique ne s’est pas montrée de meilleure composition que nous. Comme nous, soumise à des maîtres mahométans, elle a résisté avec succès à leurs efforts.

Aujourd’hui, c’est notre tour d’agir sur les débris de la civilisation arabe. Nous les balayons, nous les détruisons : nous ne réussissons pas à les transformer, et, pourtant, cette civilisation n’est pas elle-même originale, et devrait dès lors moins résister. La nation arabe, si faible de nombre, n’a fait notoirement que s’assimiler des lambeaux des races soumises par son sabre. Ainsi les Musulmans, population extrêmement mélangée, ne possèdent pas autre chose qu’une civilisation de ce même caractère métis dont il est facile de retrouver tous les éléments. Le noyau des vainqueurs, on le sait, n’était pas, avant Mahomet, un peuple nouveau ni inconnu. Ses traditions lui étaient communes avec les familles chamites et sémites d’où il tirait son origine. Il s’était frotté aux Phéniciens comme aux Juifs. Il avait dans les veines du sang des uns et des autres, et leur avait servi de courtier pour le commerce de la mer Rouge, de la côte orientale d’Afrique et de l’Inde. Auprès des Perses et des Romains, il avait joué le même rôle. Plusieurs de ses tribus avaient pris part à la vie politique de la Perse sous les Arsacides et les fils de Sassan, tandis que tel de ses princes, comme Odénat, s’instituait César, que telle de ses filles, comme Zénobie, fille d’Amrou, souveraine de Palmyre, se couvrait d’une gloire toute romaine, et que tel de ses aventuriers, comme Philippe, put même s’élever jusqu’à revêtir la pourpre impériale. Cette nation bâtarde n’avait donc jamais cessé, dès l’antiquité la plus haute, d’entretenir des relations suivies avec les sociétés puissantes qui l’avoisinaient.