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sort des familles polynésiennes et américaines. Il est donc établi, par les raisonnements qui précèdent :

1° Que les tribus actuellement sauvages l’ont toujours été, quel que soit le milieu supérieur qu’elles aient pu traverser, et qu’elles le seront toujours ; 2° que, pour qu’une nation sauvage puisse même supporter le séjour dans un milieu civilisé, il faut que la nation qui crée ce milieu soit un rameau plus noble de la même race ; 3° que la même circonstance est encore nécessaire pour que des civilisations diverses puissent, non pas se confondre, ce qui n’arrive jamais, seulement se modifier fortement l’une par l’autre, se faire de riches emprunts réciproques, donner naissance à d’autres civilisations composées de leurs éléments ; 4° que les civilisations issues de races complètement étrangères l’une à l’autre ne peuvent que se toucher à la surface, ne se pénètrent jamais et s’excluent toujours. Comme ce dernier point n’a pas été suffisamment éclairci, je vais y insister.

Des conflits ont mis en présence la civilisation persane avec la civilisation grecque, l’égyptienne avec la grecque et la romaine, la romaine avec la grecque ; puis la civilisation moderne de l’Europe avec toutes celles qui existent aujourd’hui dans le monde, et notamment la civilisation arabe.

Les rapports de l’intelligence grecque avec la culture persane étaient aussi multipliés que forcés. D’abord, une grande partie de la population hellénique, et la plus riche, sinon la plus indépendante, était concentrée dans ces villes du littoral syrien, dans ces colonies de l’Asie Mineure et du Pont, qui, très promptement réunies aux États du grand roi, vécurent sous la surveillance des satrapes, en conservant, jusqu’à un certain point, leur isonomie. La Grèce continentale et libre entretenait, de son côté, des rapports très intimes avec la côte d’Asie.

Les civilisations des deux pays vinrent-elles à se confondre ? On sait que non. Les Grecs traitaient leurs puissants antagonistes de barbares, et probablement ceux-ci le leur rendaient bien. Les mœurs politiques, la forme des gouvernements, la direction donnée aux arts, la portée et le sens intime du culte public, les mœurs privées de nations entremêlées sur tant de