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comme, sur bien des points, nous sommes inférieurs à ce qu’on a été jadis ! Que pourrait-on comparer, ainsi que je le disais plus haut pour un autre objet, oui, que pourrait-on comparer, en choisissant dans nos plus splendides travaux, à ces merveilles que l’Égypte, l’Inde, la Grèce, l’Amérique nous montrent encore, attestant la magnificence sans bornes de tant d’autres édifices que le poids des siècles a fait disparaître, bien moins que les ineptes ravages de l’homme ? Que sont nos arts auprès de ceux d’Athènes ? Que sont nos penseurs auprès de ceux d’Alexandrie et de l’Inde ? Que sont nos poètes auprès de Valmiki, de Kalidasa, d’Homère et de Pindare ?

En somme, nous faisons autrement. Nous appliquons notre esprit à d’autres buts, à d’autres recherches que les autres groupes civilisés de l’humanité ; mais, en changeant de terrain, nous n’avons pu conserver dans toute leur fertilité les terres qu’ils cultivaient déjà. Il y a donc eu abandon d’un côté, en même temps qu’il y avait conquête de l’autre. C’était une triste compensation, et, loin d’annoncer un progrès, elle n’indique qu’un déplacement. Pour qu’il y eût acquisition réelle, il faudrait qu’ayant au moins gardé dans toute leur intégrité les principales richesses des sociétés antérieures, nous eussions réussi à édifier, à côté de leurs travaux, certains grands résultats qu’elles et nous avons cherchés également ; que nos sciences et nos arts, appuyés sur leurs arts et leurs sciences, eussent trouvé quelque nouveauté profonde touchant la vie et la mort, la formation des êtres, les principes primordiaux du monde. Or, sur toutes ces questions, la science moderne n’a plus ces lueurs qui se projetaient, on a lieu de le penser, à l’aurore des temps antiques, et, de son propre cru et de ses propres efforts, elle n’est parvenue encore qu’à cet humiliant aveu : « Je cherche et ne trouve pas. » Il n’y a donc guère de progrès réels dans les conquêtes intellectuelles de l’homme. Notre critique seule est incontestablement meilleure que celle de nos devanciers. C’est un grand point ; mais critique veut dire classement, et non pas acquisition.

Pour ce qui est de nos idées prétendues neuves sur la politique,