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Colomb, contribuèrent à la découverte du nouveau monde, portaient probablement aussi, sur leurs surfaces, des œufs d’insectes, que la chaleur d’une sève nouvelle devait faire éclore bien loin du lieu de leur origine et du terrain où vivaient leurs congénères.

Ainsi nulle difficulté à ce que les premières familles humaines aient pu habiter promptement des climats très divers, des lieux très éloignés les uns des autres. Mais, pour que la température et les circonstances locales qui en résultent soient diverses, il n’est pas nécessaire, même dans l’état actuel du globe, que les lieux se trouvent à de longues distances. Sans parler des pays de montagnes, comme la Suisse, où, dans l’espace d’une à deux lieues de terrain, les conditions de l’atmosphère et du sol varient tellement que l’on y trouve confondues, en quelque sorte, la flore de la Laponie et celle de l’Italie méridionale ; sans rappeler que l’Isola Madre, sur le lac Majeur, nourrit des orangers en pleine terre, de grands cactus et des palmiers nains à la vue du Simplon, personne n’ignore combien la température de la Normandie est plus rude que celle de l’île de Jersey. Dans un triangle étroit, et sans qu’il soit besoin de faire appel aux déductions de l’orographie, nos côtes de l’ouest présentent le spectacle le plus varié en fait d’existences végétales (1)[1].

  1. M. Alexandre de Humboldt expose la loi déterminante de cette vérité lorsqu'il dit (Asie centrale, t. III, p. 23) : « La première base de la climatologie est la connaissance précise des inégalités de la surface d'un continent. Sans cette connaissance hypsométrique, on attribuerait à l'élévation du sol ce qui est l'effet d'autres causes, qui influent, dans les basses régions, dans une surface qui a une même courbure avec la surface de l'océan, sur l'inflexion des lignes isothermes (ou d'égale chaleur d'été). » En appelant l'attention sur cette grande multiplicité d'influences qui agissent sur la température d'un point géographique indiqué, le grand érudit berlinois conduit l'esprit à concevoir sans peine que, dans des lieux très voisins, et indépendamment de l'élévation du sol, il se forme des phénomènes climatériques très divers. Ainsi, il est un point de l'Irlande, dans le nord-est de l'île, sur la côte de Glenarn, qui, contrastant avec ce qui est possible aux environs, nourrit des myrtes en pleine terre, et aussi vigoureux que ceux du Portugal, sous le parallèle de Kœnigsberg en Prusse. « Il y gèle à peine en hiver, et cependant les chaleurs de l'été ne suffisent pas pour mûrir le raisin. Les mares et les petits lacs des îles Fœroë ne se couvrent pas de glace pendant l'hiver, malgré leur latitude de 62°... En Angleterre, sur les côtes du Devonshire, les myrtes, le camelia japonica, le fuchsia coccinea et le boddleya globosa passent l'hiver sans abri en pleine terre... À Salcombe, les hivers sont tellement doux, qu'on y a vu des orangers en espaliers portant du fruit et à peine abrités par le moyen des estères (p. 147-148). »