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par les bohémiens ou zingaris (1)[1]. Les individus de cette race présentent exactement la même précocité physique que les Hindous, leurs parents ; et sous les cieux les plus âpres, en Russie, en Moldavie, on les voit conserver, avec leurs notions et leurs habitudes anciennes, l’aspect, la forme des visages et les proportions corporelles des parias. Je ne prétends cependant pas combattre M. Prichard sur tous les points. Il est une de ses observations que j’adopte avec empressement : c’est que « la différence du climat n’a que peu ou point d’effet pour produire des diversités importantes dans les époques des changements physiques auxquels la constitution humaine est assujettie (2)[2]. » Cette remarque est très fondée, et je ne chercherais pas à l’infirmer, me bornant à ajouter seulement qu’elle semble contredire un peu les principes défendus par le savant physiologiste et antiquaire américain.

On n’aura pas manqué de s’apercevoir que la question de permanence dans les types est, ici, la clef de la discussion. S’il est démontré que les races humaines sont, chacune, enfermées dans une sorte d’individualité d’où rien ne les peut faire sortir que le mélange, alors la doctrine des Unitaires se trouve bien pressée et ne peut se soustraire à reconnaître que, du moment où les types sont si complètement héréditaires, si constants, si permanents, en un mot, malgré les climats et le temps, l’humanité n’est pas moins complètement et inébranlablement

  1. (1) D’après M. Krapff, missionnaire protestant dans l’Afrique orientale, les Wanikas se marient à douze ans avec des filles du même âge. (Zeitschrift der deutschen morgenlœndischen Gesellchaft , t. III, p. 317.) Au Paraguay, les jésuites avaient établi la coutume, qui s’est conservée, de marier leurs néophytes, à 10 ans les filles, à 13 les garçons. On voit, dans ce pays, des veuves et des veufs de 11 et 12 ans. (A. d’Orbigny, L’Homme américain, t. I, p. 40.) — Dans le Brésil méridional, les femmes se marient vers 10 à 11 ans. La menstruation paraît de très bonne heure et passe de même. (Martius et Spix, Reise in Brasilien, t. I, p. 384.) On pourrait multiplier ces citations à l’infini ; je n’en ajouterai qu’une : c’est que, dans le roman d’Yo-Kiao-li, l’héroïne chinoise a 16 ans, et que son père est désolé qu’à un tel âge, elle ne soit pas encore mariée.
  2. (2) Prichard, ouvrage cité, t. II, p. 253.