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en former des hommes fantastiques et se donner le plaisir de faire mouvoir artificiellement des chimères dans des milieux politiques qui leur ressemblent. La réalité, trop notoire, trop pressante, interdit de tels jeux, souvent impies, toujours néfastes. Pour décider sainement des caractères de l’humanité, le tribunal de l’histoire est devenu le seul compétent. C’est d’ailleurs, j’en conviens, un arbitre sévère, un juge bien redoutable à évoquer à des époques aussi tristes que celle-ci.

Non pas que le passé soit lui-même immaculé. Il contient tout, et, à ce titre, on en obtient l’aveu de bien des fautes et l’on y découvre plus d’une honteuse défaillance. Les hommes d’aujourd’hui seraient même en droit de faire, devant lui, trophée de quelques mérites qui lui manquent. Mais, si, pour repousser leurs accusations, il vient soudain à évoquer les ombres grandioses des périodes héroïques, que diront-ils ? S’il leur reproche d’avoir compromis la foi religieuse, la fidélité politique, le culte du devoir, que répondre ? S’il leur affirme qu’ils ne sont plus aptes qu’à poursuivre le défrichement de connaissances dont les principes ont été reconnus et exposés par lui ; s’il ajoute que l’antique vertu est devenue un objet de risée ; que l’énergie a passé de l’homme à la vapeur ; que la poésie s’est éteinte, que ses grands interprètes ne vivent plus ; que ce qu’on nomme des intérêts se ravale aux considérations les plus mesquines ; qu’alléguer ?