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la fécondité, dont nous faisons honneur à nos sociétés, est un résultat naturel des éléments tronqués et disparates qu’il était dans le propre de nos tribus paternelles de savoir, jusqu’à un certain point, mêler, travestir et utiliser.

Partout où s’étend notre mode de culture, il porte deux caractères communs : l’un, c’est d’avoir été au moins touché par le contact germanique ; l’autre, d’être chrétien. Mais, je le dis encore, ce second trait, bien que le plus apparent et celui qui d’abord saute aux yeux, parce qu’il se produit à l’extérieur de nos États, dont il semble en quelque sorte le vernis, n’est pas absolument essentiel, attendu que beaucoup de nations sont chrétiennes, et un plus grand nombre encore pourra le devenir, sans faire partie de notre cercle de civilisation. Le premier caractère est, au contraire, positif, décisif. Là où l’élément germanique n’a jamais pénétré, il n’y a pas de civilisation à notre manière.

Ceci m’amène naturellement à traiter cette question : Peut-on affirmer que les sociétés européennes soient entièrement civilisées ? que les idées, les faits qui se produisent à leurs surfaces, aient leur raison d’être bien profondément enracinée dans les masses, et que les conséquences de ces idées et de ces principes répondent aux instincts du plus grand nombre ? On y doit encore ajouter cette demande, qui en est le corollaire : Les dernières couches de nos populations pensent-elles et agissent-elles dans le sens de ce qu’on appelle la civilisation européenne ?

On a admiré avec raison l’extrême homogénéité d’idées et de vues qui, dans les États grecs de la belle époque, dirigeait le corps entier des citoyens. Sur chaque point essentiel, les données, souvent hostiles, partaient pourtant de la même source : on voulait plus ou moins de démocratie, plus ou moins d’oligarchie en politique ; en religion, on adorait de préférence ou la Cérès Éleusinienne ou la Minerve du Parthénon ; en matière de goût littéraire, on pouvait préférer Eschyle à Sophocle, Alcée à Pindare ; au fond, les idées sur lesquelles on disputait étaient toutes ce qu’on pourrait appeler nationales ; la discussion n’en attaquait que la mesure. À Rome, avant les