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haut, de plus intime à la fois, c’est-à-dire une façon, de comprendre qui répand harmonieusement sur la sensibilité et le caractère les impressions qu’elle reçoit de l’activité intellectuelle et morale dans son ensemble (1)[1]. »

Cet enchaînement, un peu laborieux, va donc de l’homme civilisé ou adouci, humanisé, à l’homme cultivé, savant, poète et artiste, pour arriver enfin au plus haut développement où notre espèce puisse parvenir, à l’homme formé, qui, si je comprends bien à mon tour, sera représenté avec justesse par ce qu’on nous dit qu’était Gœthe dans sa sérénité olympienne. L’idée d’où sort cette théorie n’est rien autre que la profonde différence remarquée par M. Guillaume de Humboldt entre la civilisation d’un peuple et la hauteur relative du perfectionnement des grandes individualités ; différence telle que les civilisations étrangères à la nôtre ont pu, de toute évidence, posséder des hommes très supérieurs sous certains rapports à ceux que nous admirons le plus : la civilisation brahmanique, par exemple.

Je partage sans réserve l’avis du savant dont j’expose ici les idées. Rien n’est plus exact : notre état social européen ne produit ni les meilleurs ni les plus sublimes penseurs, ni les plus grands poètes, ni les plus habiles artistes. Néanmoins je me permets de croire, contrairement à l’opinion de l’illustre philologue, que, pour juger et définir la civilisation en général, il faut se débarrasser avec soin, ne fût-ce que pour un moment, des préventions et des jugements de détail concernant telle ou telle civilisation en particulier. Il ne faut être ni trop large, comme pour l’homme du premier degré, que je persiste à ne pas trouver civilisé, uniquement parce qu’il est adouci ; ni trop étroit, comme pour le sage du troisième. Le travail améliorateur de l’espèce humaine est ainsi trop réduit. Il n’aboutit qu’à des résultats purement isolés et typiques.

  1. (I) W. V. Humboldt, ouvrage cité, p. XXXVII : « Wenn wir in unserer Sprache Bildung sagen, so meinen wir damit etwas zuglcich Höheres und mehr inuerliches, nämlich die Sinnesarl, die sich aus der Erkenntniss und dem Gefûhle des gesammten geistigen und sittlichen Strebens harmonisch auf die Empfindung und dem Kharakter ergieszt. ».