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Placés dans une impossibilité reconnue de faire la guerre, dépaysés, entourés de tous côtés par la puissance américaine incommensurable pour leur imagination, et, d’autre part, convertis à la religion de leurs dominateurs, et l’ayant adoptée, je pense, sincèrement ; traités avec douceur par leurs instituteurs spirituels et bien convaincus de la nécessité de travailler comme ces maîtres-là l’entendent et le leur indiquent, à moins de vouloir mourir de faim, je comprends qu’on réussisse à en faire des agriculteurs. On doit finir par leur inculquer la pratique de ces idées que tous les jours, et constamment, et sans relâche, on leur représente.

Ce serait ravaler bien bas l’intelligence même du dernier rameau, du plus humble rejeton de l’espèce humaine, que de se déclarer surpris, lorsque nous voyons qu’avec certains procédés de patience, et en mettant habilement en jeu la gourmandise et l’abstinence, on parvient à apprendre à des animaux ce que leur instinct ne les portait pas le moins du monde à savoir. Quand les foires de village ne sont remplies que de bêtes savantes auxquelles on fait exécuter les tours les plus bizarres, faudrait-il se récrier de ce que les hommes soumis à une éducation rigoureuse, et éloignés de tout moyen de s’y soustraire comme de s’en distraire, parviennent à remplir celles des fonctions de la vie civilisée qu’en définitive, dans l’état sauvage, ils pourraient encore comprendre, même avec la volonté de ne pas les pratiquer ? Ce serait mettre ces hommes au-dessous, bien au-dessous du chien qui joue aux cartes et du cheval gastronome ! À force de vouloir tirer à soi tous les faits pour les transformer en arguments démonstratifs de l’intelligence

habitudes européennes chez ces Indiens, a été la présence des métis. Participant aux lumières de son père, sans abandonner entièrement les coutumes sauvages de sa race maternelle, le métis forme le lien naturel entre la civilisation et la barbarie. Partout où les métis se sont multipliés, on a vu les sauvages modifier peu à peu leur état social et changer leurs mœurs. » (De la Démocratie en Amérique, in-12 ; Bruxelles, 1837 ; t. III, p. 142.) M. A. de Tocqueville termine en présageant que, tout métis qu'ils sont, et non aborigènes, comme l'affirme M. Prichard, les Cherokees et les Creeks n'en disparaîtront pas moins, avant peu, devant les envahissements des blancs.