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vont se trouver portés d’eux-mêmes, et comme par instinct, à réformer les habitudes purement humaines de leurs néophytes, en même temps qu’ils redresseront leurs voies morales. Ont-ils affaire à des sauvages, à des peuples réduits, par leur ignorance, à supporter de grandes misères ? ils s’efforceront de leur apprendre les arts utiles et de leur montrer comment on échappe à la famine par des travaux de campagne, dont ils voudront leur fournir les instruments. Puis ces missionnaires, allant plus loin encore, leur apprendront à construire de meilleurs abris, à élever du bétail, à diriger le cours des eaux, soit pour aménager les irrigations, soit pour prévenir les inondations. De proche en proche, ils en viendront à leur donner assez de goût des choses purement intellectuelles pour leur apprendre à se servir d’un alphabet, et peut-être encore, comme cela est arrivé chez les Cherokees (1)[1], à en inventer un eux-mêmes. Enfin, s’ils obtiennent des succès vraiment hors ligne, ils amèneront leur peuplade bien élevée à imiter de si près les mœurs qu’ils lui auront prêchées, que désormais, complètement façonnée à l’exploitation des terres, elle possédera, comme ces mêmes Cherokees dont je parle, et comme les Creeks de la rive sud de l’Arkansas, des troupeaux bien entretenus et même de nombreux esclaves noirs pour travailler aux plantations.

J’ai choisi exprès les deux peuples sauvages que l’on cite comme les plus avancés ; et, loin de me rendre à l’avis des égalitaires, je n’imagine pas, en observant ces exemples, qu’il puisse s’en trouver de plus frappants de l’incapacité générale des races à entrer dans une voie que leur nature propre n’a pas suffi à leur faire trouver.

Voilà deux peuplades, restes isolés de nombreuses nations détruites ou expulsées par les blancs, et d’ailleurs deux peuplades qui se trouvent naturellement hors de pair avec les autres, puisqu’on les dit descendues de la race alléghanienne, à laquelle sont attribués les grands vestiges d’anciens monuments découverts au nord du Mississipi (2)[2]. Il y a là déjà, dans

  1. Prichard, Histoire naturelle de l'homme, t. II, p 120.
  2. Id, ibid., t. II, p. 119 et pass.