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— Avec la Fleur des Pois ! Je te raconterai tout demain. Mais, attention ! Il ne faut plus que je me grise !

— Non ! il me semble que tu as assez perdu la tête comme cela, ce soir.

— La tête ! le cœur ! les sens ! l’esprit par dessus le marché ! La bonne histoire ! la bonne histoire ! J’en ferai mon brosseur de cette petite personne ! Je l’emmènerai à Bakou, et nous donnerons des soirées d’artistes ! Mais, motus ! Soyons discrets comme des troubadours jusqu’à demain matin.

Les nouvelles santés qu’on porta en foule, aidées de l’éclat des yeux des Splendeurs de la Beauté, de Djemylèh et de Talhemèh, car Omm-Djéhàne se tint à part, sous la protection des deux graves Musulmans, qui, sans en avoir l’air, étendirent vers elle une protection fort efficace ; le bruit épouvantable, les danses qui recommencèrent et se poursuivirent encore quelques heures, tous les délices de cette soirée, enfin, eurent le résultat qu’on en devait attendre. Le gouverneur fut porté dans son lit ; le maître de police gagna le sien sur les épaules de quatre hommes, une moitié des officiers dormit sur le champ de bataille, l’autre joncha les rues de corps généreux, mais vaincus. Les trois danseuses rentrèrent ou ne rentrèrent pas au logis : on n’a jamais su au juste ce qui était advenu de ce détail. Omm-Djéhâne, seule, regagna paisiblement la demeure commune sous la protection des amis