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— Je vous ai prévenu, dit-il à Valerio, un matin, pendant une marche ; je vous ai prévenu ! les femmes de votre pays ne sont pas faites pour la vie que nous menons. La vôtre est particulièrement susceptible ; elle ne peut supporter indéfiniment la vue de nos longues barbes et de nos robes longues, elle qui est habituée aux visages ras et aux habits courts. Si vous persistez à prolonger votre voyage, vous la perdrez, je vous le dis franchement.

— C’est vrai, répondit Valerio en baissant la tête, ma femme est malade ; mais croyez-vous que son état ne puisse s’améliorer et que les conséquences en soient si dangereuses ?

— Croyez-moi, je vous le répète, ne poussez pas l’épreuve plus loin. Tout à l’heure, à la station, nous ferons rencontre d’une caravane qui va à Bagdad ; quittez-moi, rejoignez-la, et retournez en Europe par Alep et Beyrouth.

Valerio se soumit et en fut immédiatement récompensé. Aussitôt que Lucie eut connaissance de ce qui allait arriver, elle éprouva un soulagement immédiat. Elle sourit franchement pour la première fois depuis bien des jours. La séparation de tous les amis qu’elle s’était faits lui fut cependant pénible ; quelques heures, auparavant, elle les détestait et les redoutait. Quand le Shemsiyèh prit congé d’elle, la jeune femme lui fit quelques présents qui furent reçus avec une émo-